Le rêve communautaire des coopératives ouvrières redevient une réalité pour cause de Netéconomie. Cette approche se développe sur la base de partenariats et selon un mode coopératif plus ou moins intense, mais elle n’est pas sans inconvénients. Les réseaux d’organisations communautaires ou grappes peuvent être une cartellisation masquée des acteurs économiques. Elle qui ne manquera pas d’inquiéter si elle n’est encadrée à terme au plan au moins européen. Cette capacité nouvelle de faire circuler  le travail, le capital et les produits entre membres d’une même méta organisation est diversement appréciée.

Ceux des salariés qui ce sont vus proposer un emploi délocalisé dans une filiale en Inde pour un salaire de quelques dizaines d’euros en savent quelque chose. De leur coté les syndicats de pilotes internationaux comme dans le groupement de Star Alliance, qui voient le danger de la dérégulation des salaires, multiplient les contacts entre-eux afin de limiter les conséquences d’une mondialisation des salaires par le bas. Ils n’hésitent pas à comparer leurs contrats respectifs pour obtenir des augmentations. Ces revendications pourraient mettre en difficulté certaines compagnies régionales ne bénéficiant pas d’une bonne rentabilité opérationnelle. Différemment, à leur tour, ces mêmes compagnies s’associent entre-elles afin d’optimiser leurs ressources. Cinq grandes compagnies aériennes américaines ont lancé une agence de voyage en ligne commune pour réduire leurs coûts d’intermédiation commerciaux et pratiquer des prix très compétitifs. Aussitôt quelques dizaines de grandes associations de défense des consommateurs américaines ont demandé l’intervention de la division anti-trust du département de la justice[1]. Ensuite, il peut y avoir les ententes sur les prix. La distribution moderne profite de cette propriété de la Netéconomie à savoir que les économies d’échelle sont désormais moins des économies de production que des économies de distribution.

La concurrence entre chaînes se déplace de la maîtrise de la production vers la maîtrise de marchés les plus importants possibles. Traditionnellement, c’est plutôt la fusion des grands acteurs économiques en filières d’activités sectorielles mondiales qui pouvaient inquiéter les gouvernements compte tenu de leur puissance économique. Conséquence de la mondialisation, les filières économiques intégrées par métiers engendrent la « cartellisation » d’une part croissante des marchés par une coopération commerciale des grandes entreprises. La mise en place de réseaux électroniques, qui facilitent l’effet de levier des ordres de grandeur croissants dans l’e.commerce, associés au développement de la Netéconomie  facilite des formes de « cartellisation virtuelle» qui ne sont pas le fait d’ententes classiques. Imaginez une méta-organisation qui, de lien en lien fonctionnel, éventuellement incarnée sur la toile par un webring, capte l’essentiel des transactions demandées par une catégorie de clients. Aucune entreprise de la chaîne prise isolement ne peut être accusée de position dominante. Ce phénomène de « chasse en meute » qui caractérise ces pratiques commerciales inquiète suffisamment les nations avancée pour que les membres de l’OCDE accentuent le caractère répressif des lois contre les ententes illicites : mais quand le sont-elles ?!

Cette conception nouvelle de la concurrence ne peut qu’inquiéter les moyennes entreprises encore indépendantes compte tenu de la capacité de ces chaînes d’organisations ou méta organisations à faire des guerres impitoyables sur les prix. Enfin, j’ai déjà pu constater, l’intérêt porté par des dirigeants sur la constitution de filiales dans le seul but de délocaliser la facturation et donc la marge. Le couple entreprises/ territoires ancre les PME dans le respect des lois nationales, notamment juridiques et fiscales, alors que les membres d’une méta-organisation décide là où il est le plus intéressant de faire apparaître le bénéfice ou l’endroit où doit se faire l’investissement compte tenu des avantages locaux. Ce n’est pas pour rien si le SESSI constatait dès 1999 que plus de 41% des exportations et 36% des importations françaises en produits industriels sont le fait de transactions entre entreprises d’un même groupe mais localisées dans plusieurs pays différents. Tant qu’une fiscalité européenne homogène ne sera pas finalisée, des avantages fiscaux nationaux, que l’on peut parfois assimiler à du « dumping fiscal », seront à l’origine de migration des entreprises les plus opportunistes[2]. L’OCDE compte sur de nouvelles régulations économiques pour limiter les effets pervers de la cartellisation et de la concurrence fiscale. Encore faut-il pouvoir identifier les ententes illégales et leur nature alors que des nations arrangeantes tirent des profits considérables de ces détournements.


[1] Yahoo Actualités du 4 juin 2001

[2] http://www.competitivealternatives.com/

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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