Pour les tenants de l’économie non monétaire, il manque une théorie économique complète, ainsi qu’une réflexion éthique et philosophique sur son évolution. Selon ces théories des groupes post-capitalistes, naîtrait une société d’économie solidaire, de ressources (mieux) partagées que certains politiques appellent parfois de leurs vœux en cherchant la fameuse « troisième voie», ni capitalisme, ni communisme. Pour ma part, j’y vois comme piste l’affirmation d’un modèle coopératif, seul capable de concilier croissance et développement durable. Economie post-capitaliste ? L’économie coopérative est très présente dans les pays économiquement faibles compte tenu de la fragilité du tissu fiduciaire et des faibles capacités d’investissements locaux. Il est notable que les activités du commerce équitable se développent dans des coopératives au Bénin, en Bolivie, au Congo, qui deviennent les interlocuteurs privilégiés des acheteurs européens. Évalué à quelques 400 Millions de dollars, le commerce équitable représente une goutte d’eau, 0,008% du commerce mondial. Méfions-nous de cette perspective.
L’effet de levier est considérable. Rapporté au pouvoir d’achat local, il fait vivre dans la dignité plus de cinq millions de personnes dans le monde. Dans des économies fragiles, ce type d’organisation coopérative s’inscrit dans le cadre du développement durable car il est économe en capital et donne du travail à une grande quantité de gens. C’est aussi un modèle économique capable de payer mieux les producteurs. C’est le cas lorsque la société Max Havelaar achète le coton 41cts d’euro le kilo contre 26 centimes pour les autres importateurs classique. Passée de 4 à 24 salariés en deux ans, cette coopérative fournit plus de 2500 super et hypermarchés et gagne, selon son fondateur, quelques 30 nouveaux magasins par mois. Partout la mutualisation des ressources et la coopération des intelligences est un modèle économique qui se réinvente grâce aux réseaux. A travers le monde, 800 millions de membres de coopératives démontrent la vitalité de ces nouveaux types d’organisation. Le Brésil qui doit se développer en manquant de capitaux est connu pour s’être appuyé sur l’économie coopérative pour créer des emplois. Les 7 000 coopératives du pays qui donnent du travail à 5,7 millions de travailleurs brésiliens représentent 6% du PIB. Côté consommateurs, les coopératives ont vu se constituer des «communautés d’adhérents» qui représentent plus de deux millions de brésilien. Le Brésil représente sans doute avec l’Inde ce qui se fait de plus innovant en matière de politique de développement économique alternatif : croître en mobilisant le moins de capitaux monétaires possibles. Un capitalisme des pauvres que prône l’inventeur du microcrédit, Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix 2006, qui veut maintenant créer une bourse des marchés des sociétés solidaires à but non lucratif pour attirer des subventions. Ici nous ne sommes plus dans une logique de « vie modeste » mais dans le cadre d’une croissance « économe » en capitaux, caractéristique du modèle coopératif et emblématique d’une politique de « croissance économe et durable ». Un modèle qui se révèle une alternative de plus en plus crédible partout dans le monde et peut-être pour notre propre développement.