La Toile a ouvert l’accès à un cybermonde numérique qui agit puissamment sur nos modèles économiques mais aussi sur nos modes de vie et de consommation. Avec la crise, des millions de français n‘ont d’autres ressources que de mieux rentabiliser leur revenu disponible. C’est le cas de l’économie « low cost » pour résister à l’inflation des prix. Avant la crise économique de 2009 et malgré la hausse des prix de l’énergie, les prix à la consommation restaient sages et l’inflation n’avait jamais été aussi basse (1,7% en moyenne en 2005) si on élimine la part due à la flambée pétrole : 1,1%[1]. En 2005, la presse économique française annonçait un recul de 5% des prix de la grande distribution. Calculé en pouvoir d’achat (ou PPA pour Parité en Pouvoir d’Achat), le niveau relatif du revenu français par tête qui était proche de 80% de celui des États-Unis dans les années 1980, n’en représentait plus que 70% au début de la décennie 2000[2]. La situation n’a guère changé depuis. Soutenant le pouvoir d’achat des français, Internet est devenu l’allié des cyber consommateurs pour contourner la vie chère, trouver des prix tirés ou des avantages supplémentaires. Cette démarche de consommation lowcost concerne la planète entière et contribue à améliorer le pouvoir d’achat de marchés nouveaux auquel un journaliste inspiré donnera un jour le nom du « riche marché des pauvres ».

Grâce aux réseaux, après avoir appris à produire mieux, on apprend à acheter mieux ! Partout, les habitants des pays, riches ou pas, modifient leurs modes de consommation en utilisant les atouts de la planète numérique. Les facilités offertes par les transactions en ligne modifient les rapports entre une surproduction des biens et une demande encadrée par la modestie des moyens financiers de l’acheteur. Même les voies – impénétrables – du seigneur passent par internet pour faciliter l’accès à des services bon marché. Les catholiques européens ont désormais la possibilité de faire dire une messe pour 3 euros en s’adressant aux paroisses indiennes contre 15 euros en moyenne sur le continent européen. Grâce à l’économie Low Cost, les consommateurs peuvent augmenter leur pouvoir d’achat. Il augmente parce que les prix continuent à être serrés, voire à relativement diminuer grâce aux importations qui font vivre des milliers de gens dans le monde. Selon une enquête Secodip de 2004, les deux tiers des ménages français fréquentent régulièrement une enseigne discount contre 38% en 1998. Le low cost s’infiltre partout. Dans les voyages, les voitures, les achats d’équipements et d’ameublement, les locations les plus diverses et même… la chirurgie esthétique avec Easy Look dont le créateur, Tom Gyger, est l’ancien propriétaire d’une compagnie aérienne low cost. Le cœur de sa stratégie est d’ajuster des prix à la minute, selon la demande, grâce à une informatique performante. Prix Minute et soldes en continu. Les ventes d’EasyJet ont augmenté de 63 % en 2002 et le bénéfice a cru de 37 %. La Renault Logan était réservée pour des pays moins riches que le nôtre. Pourtant des français et bien d’autres européens ont sauté sur l’occasion de se procurer une voiture neuve pour un prix très attractif. Demain ce sera sans doute, les scooters low cost, venus de Chine, qui entament actuellement leur longue marche chez les occidentaux. Ils seront proposés 30% à 40% moins cher que leurs concurrents japonais. L’emblème de ces nouvelles pratiques de la vie « moins chère », à savoir « faire mieux avec ce que j’ai », pourrait être Teri Gault. Cette jeune américaine a appris, suite à la perte de son emploi, à utiliser toutes les astuces du commerce moderne, les offres publicitaires, les bons de réductions, les cadeaux promotionnels, les concours avec échantillons gratuits. Le tout afin d’améliorer l’utilisation du maigre revenu de la famille. Ce savoir faire est devenu son job. Acheteuse hors pair, la voilà qui offre maintenant son savoir sur son site[3]. Teri Gault est une spécialiste des coupons et des promotions dont elle fait profiter ses adhérentes. Pour cela, elle n’hésite pas à donner des cours sur les bonnes façons de faire ses courses pour dépenser le moins d’argent possible. Dépenser moins de 40 dollars (à peu près autant en euros) par semaine pour une famille de quatre personnes est son défi habituel. Lors d’un test, elle arrive à la caisse avec un total de 182,07 dollars de marchandise (hors taxes) qui passe devant un caissier incrédule à 55,92 dollars grâce à des coupons et des promotions bien utilisés[4].

Le recyclage des objets de la société de consommation est une autre des caractéristiques de l’économie dite « post-capitaliste ». Plus personne n’hésite à fréquenter les dépôts ventes pour renouveler sa garde robe, celle des enfants ou trouver un équipement bon marché. Rien d’étonnant donc si le marché de seconde main connait un engouement phénoménal. Un marché estimé en France à 6 milliards d’Euros par an. Il représente une alternative à la baisse du pouvoir d’achat tout en répondant au désir de faire de bonnes affaires. Cette constatation démontre combien la croissance du marché de l’occasion est bien liée à de nouveaux modes de consommation alors que les boutiques de vente de vêtements ou d’objets de « « seconde main » se multiplient. Selon une étude de 2005, réalisée par « Troc de l’Ile », 41% des personnes interrogées se rendent dans les dépôts-ventes pour un achat.

Pour vivre mieux, l’Internet devient le moteur essentiel des échanges marchands ou non. Afin d’obtenir des diminutions de prix, les consommateurs deviennent adeptes de l’achat direct aux producteurs, souvent par le biais d’amis, de relations. Internet est, de ce point de vue, un relais idéal au regard des thèses de la vente sans intermédiaires[5]. Internet collecte ainsi des quantités d’informations qui sont mises à la disposition des internautes, notamment sur la réputation du fournisseur. Des milliers d’évaluations se trouvent sur le Web. On choisit ses fournisseurs par le bouche à oreille (électronique). On se divertit ou on consomme selon des choix prescrits par des groupes ou des entreprises en qui le consommateur a investi sa confiance. Ces prescriptions plus ou moins informelles ont pour objet de contribuer à l’économie des ménages en les aidants à acheter au juste prix.  La participation volontaire à un « achat groupé » devient plus fréquente et usuelle. Des sites d’intermédiation spécialisés pour des achats groupés collectent l’offre et la demande. Pour s’adapter, les firmes sont obligées de développer des stratégies de qualité de la relation de nature à fidéliser le client. Avec ce type de commerce coopératif les opérations promotionnelles voient la fréquence des achats doubler pour un panier moyen qui augmente de 20%.

Grâce à la Toile, il devient facile de vendre directement et le plus cher possible un produit qui se démonétise de plus en plus rapidement. Selon une étude de Médiamétrie de juin 2005, près de quatre internautes français sur 10 (39,4 %) déclaraient avoir utilisé, dans les six derniers mois, des sites permettant de mettre en relation acheteurs et vendeurs. Avec plus d’un milliards d’objets vendus, les portails de vente à distance Priceminister et Ebay sont devenus les vecteurs les plus connus des micros business sur la Toile. Selon Netratings, en 2006, plus de la moitié des internautes français (57%) ont dépensé trois fois plus qu’en 2000.  Internet est devenu le vecteur privilégié pour acheter, vendre et échanger entre individus. Le succès du commerce entre particuliers pronostiqué en 1997 dans « eBusiness Generation » ne se dément pas[6]. Si la vente à distance a cru de 55% entre avril 2004 et avril 2005, selon la Fédération des entreprises de vente à distance, la progression des produits bradés ou d’occasion aura atteint, elle, 160% sur les six premiers mois de l’année 2005. Dans un contexte de crise, de manque de liquidités, des portails spécialisés servent aussi à faciliter le troc et l’entraide entre individus. Chez Trokers.com « Rien ne s’achète, rien ne se vend, tout s’échange ». Trokers.net remet le troc au goût du jour en lançant un des premiers sites francophones exclusivement liés au troc. Affaireconclue.com propose un service similaire depuis septembre 1999. L’idée fait son chemin, elle repose sur un principe simple : mettre en relation les internautes qui veulent échanger des produits. L’internaute rentre une annonce et des Internautes qui recherchent se font connaitre. Ce type de service, généralement gratuit, qui contient des centaines d’annonces d’échanges possibles, évoque un inventaire à la Prévert ; Vélos, CD, magnétoscopes, voitures, bateaux, etc.[7] Il devient plus facile et plus économique de partager des voitures, d’échanger des maisons ou des appartements plutôt que de les louer[8]. Des services comme Zipcar Inc[9] permettent à leurs membres de réserver un véhicule parmi une flotte d’autos de particuliers qui les partagent, sur demande, pour des horaires précis. Aujourd’hui tout internaute avisé et grand voyageur connaît les réseaux d’hébergements internationaux comme Hospitalityclub. Le troc retrouve ses fondamentaux ancestraux en jouant un rôle économique et social croissant. Le site freecycle est un ensemble de forums d’échanges, de trocs qui a pour mission de « changer le monde don par don », est emblématique de la récupération des objets de consommation pouvant être encore utilisés plutôt que d’être mis au rebut. La vie  low cost est devenue un nouvel art de vivre pour des millions de personnes. A la thèse de la vie modeste, voulue par certains écologistes dogmatiques, prometteuse de sacrifices, elles préfèrent un nouvel art de vivre… économiquement ! Au final, l’économie lowcost a pris au mot la boutade de Woodie Allen ; « L’argent est plus utile que la pauvreté, ne serait ce que pour des raisons financières ».

Selon une enquête d’OpinionWay de juin 2006 pour PriceMinister, plate-forme de commerce entre particuliers, 86% des personnes interrogées estiment qu’Internet est le moyen le plus efficace pour vendre et acheter des produits entre particuliers. Le commerce électronique entre internautes est perçu par 56% des personnes interrogées comme « revenant moins cher à l’achat », il permettrait également aux personnes à faibles revenus d’accéder à des produits qu’ils ne pourraient s’offrir autrement (56%) et de trouver des produits rares ou épuisés (52%).


[1] L’Expansion, 13 janvier 2006. Les prix des produits manufacturés ont baissé de 0,6% sur l’année 2005

[2] Productivité et emploi dans le tertiaire .Commissariat au plan. Documentation française Paris 2004 voir aussi et la comparaison entre l’indice des prix de la consommation et la progression du pouvoir d’achat international.

[5] Voir site de www.natoora.fr

[9] http://www.zipcar.com/

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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