Nos pays sont confrontés à un problème difficile : comment réduire le coût des services, comment améliorer la productivité du tertiaire, afin de résister aux nouveaux compétiteurs mondiaux ? Afin de répondre à ce défi, les entreprises et les administrations se sont engagées dans une politique de démassification et de déconcentration du tertiaire en s’appuyant sur les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) dans le cadre de leur redéploiement. Mais une autre métamorphose structurelle est en cours : « l’industrialisation des services ». D’abord fondée sur le rendement de la fabrication, la productivité est fondée aujourd’hui sur l’augmentation de la valeur ajoutée. Une valeur ajoutée coûteuse dans les services ; c’est pourquoi l’on cherche à transformer chaque fois que possible des coûts salariaux fixes en coûts variables grâce à l’achat de prestations extérieures.

En conséquence, d’artisanales autrefois, les activités de services s’externalisent, se spécialisent et s’industrialisent. La secrétaire crée un centre spécialisé de services de frappe et d’accueil téléphonique ; on organise la production de stéréolithographie (l’impression 3D) pour le maquettage des prototypes ; ou encore, on sous-traite la gestion totale des documents de son entreprise. Un marché qui pèse un milliard de dollars au niveau mondial. Dans ce secteur, la société Xerox Business Service prévoit, en 1994, 50 MFF de chiffre d’affaires et 120 MFF en 1996. Quelque deux mille sociétés proposent des prestations de sous-traitance administrative, reconstituant, parfois à distance avec le télésecrétariat, ce qu’avait été « le pool dactylo » des années 1960. Le professionnalisme et la qualité en plus, et des coûts en moins compte tenu de « l’industrialisation » et de la spécialisation des services fournis. Cette sous-traitance se développe en utilisant des réseaux de télécommunications dans lesquels des entreprises de plus en plus nombreuses deviennent une portion d’un ensemble plus vaste. Le réseau national Apple Affaires regroupe une vingtaine de sociétés partenaires. Un serveur en ligne permet de suivre en temps réel les demandes reroutées du client vers le Centre. Celui-ci fait office de permanence téléphonique pour le compte de plusieurs zones de vente. Les sociétés partenaires mutualisent ainsi le coût de l’assistance et du suivi des clients. Chaque partenaire reçoit tous les jours le compte rendu d’activité du réseau pour les appels et les messages le concernant. Cette particularité des télécommunications est utilisée par des entreprises de services qui pratiquent le reroutage téléphonique pour le compte et à la place de leurs clients afin d’accueillir les sollicitations, renseigner, prendre les commandes ou les rendez-vous. L’achat des services à distance gagne en crédibilité. Les entreprises s’habituent à vendre et à acheter des biens et des services par le biais des réseaux parce que c’est meilleur marché et plus efficace. Ce qui va faciliter le développement d’une « industrie des services » à distance.

Des entreprises mènent ainsi des stratégies plus ou moins opportunistes pour requalifier leurs compétences internes et parfois en faire un nouveau centre de profit. A l’exemple de la société Pronytel, filiale de la GMF. En 1983, afin d’améliorer la qualité et l’efficience de son accueil téléphonique, la GMF Assurance va reprendre son organisation téléphonique avec la création de plusieurs Centres de Relations Téléphoniques (CRT). A partir de sa fonction d’accueil cette organisation s’intéressera ensuite à la vente et au marketing téléphonique. En 1988, la GMF Assurance va « industrialiser » et vendre ses services en créant sa filiale Pronytel, société de conseil en télémarketing qui traite aujourd’hui plusieurs millions d’appels par an. En 1991, Pronytel réalisait 91 millions de francs de chiffre d’affaires. Ces changements structurels dans la production des services sont devenus indispensables car le coût des organisations traditionnelles était prohibitif. Mais si la réussite de « l’industrialisation » des services est conditionnée par une réduction significative de leurs coûts, ce sont les télécommunications qui, comme la distribution pour les biens manufacturiers du XXe siècle, vont favoriser la création d’un marché solvable des (télé) services.

La Lettre d’Eurotechnopolis Institut Nº 6 – Été 1994 Denis Ettighoffer

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Le Bureau du futur, 1994

A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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