Le « 22 à Asnières » façon Internet pourrait ne faire plus rire les chefs d’entreprises françaises, surtout ceux confrontés aux échanges de données sensibles. Dans les années soixante, cette histoire obligeait le comique français Fernand Reynaud à passer par New York pour obtenir une communication en banlieue parisienne : le fameux « 22 à Asnières » ! La vision des grands réseaux européens laisse la même impression. Les accès (hubs) sont en majorité centrés sur les Etats-Unis, au point que pour obtenir un serveur de la région parisienne on peut passer par Londres et Washington. Un constat confirmé par Jean-Paul Figer, vice-président de Cap Gemini Consulting : « Le trafic entre deux IAP (Internet Access Provider) transite souvent par les Etats-Unis. Chacun peut le constater en utilisant un traceroute. » Les insuffisances des infrastructures européennes font courir le risque d’une dépendance envers les routeurs et les providers américains, alors que les besoins de débits n’ont jamais été aussi importants. Un risque que soulignaient André Meyer, directeur général de Cegetel Entreprises, mais aussi Francis Lorentz, auteur d’un rapport sur le commerce électronique. L’engorgement des tuyaux est une chose, reste à maîtriser les capacités de routage et d’interconnexion entre réseaux ; un problème de débit mais aussi et surtout de sécurité systémique et natioanle, notions qui deviennent importantes pour les fournisseurs de services en ligne et pour les communautés d’entreprises qui appuieront leur fonctionnement et leur développement sur des RPV (réseaux privés virtuels). Il est de plus en plus évident que les cryptages commerciaux les plus récents ne résistent pas aux capacités de spécialistes aidés par des outils informatiques puissants. Ce problème pourrait devenir extrêmement préoccupant au fur et à mesure que les entreprises multiplient les utilisations de plates-formes réparties dans le monde pour stocker leurs données et télécharger à la demande des applications en ligne. Dans quelques années certains grands clients exigeront que leurs échanges sensibles ne passent pas par les routeurs de certains pays pour des raisons de sécurité. Ce qui nécessite de disposer des réseaux qui garantissent que les données ne passeront pas par certains pays concurrents pouvant espionner les messages échangés. Apparemment un souci qui semble encore secondaire en France. Alors que diriez-vous d’un petit test de routage de vos échanges sur le Net ? Ca vous fera rire !
La Lettre d’Eurotechnopolis Institut Nº 29 – Octobre 2002 Denis Ettighoffer,