La plupart des nouvelles théories du management incitent les entreprises à transformer le regard qu’elles portent sur leurs employés et leurs collaborateurs. Les thèses développées par des auteurs d’origines aussi différentes que l’historien américain Francis Fukuyama, l’académicien français Alain Peyrefitte ou le vice-président de Bain & Company, Frederick Reichheld, conseil en stratégie, montrent que les employés doivent faire l’objet d’autant de considération que les clients des entreprises, qu’ils doivent bénéficier de la confiance nécessaire à une ambiance de travail bénéfique à la collectivité. Dans son livre « Trust. The social virtues and the creation of prosperity » (1), Francis Fukuyama propose une étude comparative des performances des entreprises à partir de leurs caractéristiques culturelles en les considérant comme un des facteurs explicatifs essentiels de leur dynamisme économique. Très vite, l’idée de confiance lui apparu déterminante. « Le bien-être d’une nation, ainsi que son aptitude à la compétition est conditionné par une caractéristique culturelle : le niveau de confiance inhérent à cette société ». Pour mieux comprendre sa pensée, laissons-le définir la confiance : « La confiance est l’attente qui naît dans une communauté au comportement régulier, honnête, coopératif, fondé sur des normes acceptées par les autres membres de la communauté, elle permet la constitution de grandes entreprises aptes à se passer de l’État. Elle rend superflus les contrôles imposés par la méfiance ». Il continue en opposant des sociétés « à bas niveau de confiance » comme la France, l’Italie ou la Corée, auxquelles il oppose les sociétés « à haut niveau de confiance » comme le Japon et l’Allemagne. Ce problème de la confiance comme critère de développement trouve, hélas, sa confirmation dans les difficultés du décollage économique de certaines régions du globe, nous avons pu le constater. De son coté, Alain Peyrefitte posera la question de savoir : pourquoi tout à coup, certains peuples, à certains moments de l’histoire – et pas à d’autres – ont commencé à développer leur économie ? Pour lui le ressort caché tient à la confiance. « Le facteur majeur du succès, c’est l’établissement de la confiance, de la confiance à l’intérieur, de la confiance à l’extérieur ». Celle-ci se décline en confiance en soi et confiance vis-à-vis des autres. Alain Peyrefitte développe l’idée que le premier effet de la confiance est sa capacité créatrice. « Il peut être bénéfique, en des temps où la confiance fait cruellement défaut, de se replonger dans l’atmosphère confiante des créateurs, des inventeurs. Éternellement insatisfaits du présent, ils ont anticipé l’avenir. Ils ne se sont pas contentés de gérer les structures techniques ou de digérer les données économiques existantes. Ils ont fait bouger les choses, parce qu’eux-mêmes étaient continuellement en marche. Qu’est-ce que la marche, sinon un déséquilibre continuellement rattrapé ? » (2) Pour Alain Peyrefitte, la culture exprime un ensemble de références collectives, partagées par une majorité d’individus. Ce qui représente un « capital social de valeurs » de nature à donner une assurance, une confiance supplémentaire à une collectivité, une entreprise ou une nation pour faire face à l’adversité et assumer son développement. En somme l’un comme l’autre parle d’un capital précieux « un capital social de valeurs partagées ». Voilà pourquoi certaines entreprises mais aussi certaines grandes nations dites avancées se désagrègent faute d’avoir su préserver et faire fructifier ce capital social. Pour n’avoir pas su être digne de confiance.
La Lettre d’Eurotechnopolis Institut – Mars 2004 Denis Ettighoffer
(1) : Francis Fukuyama, « Trust. The social virtues and the creation of prosperity », New York-Londres-Toronto, The Free Press, 1995
(2) : Alain Peyrefitte, « Quels sont les ressorts du développement ? », BIC n°31, juin 1996