Janvier 2005. Ordinaire de la vie des affaires. La visiophonie sur téléphone mobile est la coqueluche du moment. On confond encore vitesse et précipitation. Un marché virtuel qui justifia des centaines de millions de dollars d’investissement d’ATT pour un flop magistral dans les années 90 qui suivait celui, tout aussi cuisant, de Matra dans la visiophonie d’entreprise des années 80. L’échec du Wap pas encore digéré, nos opérateurs foncent sur les applications du réseau GPRS en mettant, comme Cegetel, les applications de la visiophonie au centre de leur stratégie de déploiement. On ne saurait trop s’interroger sur cet engouement de nos Ny’acka du Marketing pour la visiophonie mobile. Certains mis en transes par ce marché vont même jusqu’à affirmer « les gens sont prêts à payer pour la télévision mobile » en parlant de nos téléphones portables. Ils n’ont apparemment pas de problèmes d’énergie sur leurs portables, ni de bandes passantes en ville, ni non plus de problème de fin de mois pour pouvoir se payer ce privilège rare de voir « stars wars » sur l’écran de son PDA. Alors que la convergence s’établit entre les différents normes et technologies dans les familles françaises, nos Ny’acka oublient au passage que les consommateurs de technologies communicantes sont en train de s’habituer aux vitesses de l’Adsl (512 à 1024 kbps pour les plus lentes) contre des vitesses de 115Kbits théoriques pour le GPRS. Bon, si vous êtes maso… La visiophonie à la française, même sur téléphone portable, n’est pas sans rappeler les postures prises pour le minitel et l’internet national. L’utilisation de la visiophonie – ou webconference – en entreprise reste considérée comme un produit de luxe alors que tout utilisateur un minimum informé peut trouver à l’étranger des solutions bien moins chères. Si les opérateurs croient les uns et les autres améliorer leur modèle économique, ils se trompent lourdement. Seulement 15% des utilisateurs de mobiles accèdent à internet via leur téléphone portable. De plus, il apparaît clairement que les internautes convertis à l’internet sans fil l’utilisent de préférence pour les e-mails, les messages SMS et la consultation des titres de presse. Raisons invoquées à cette sous utilisation : le coût, la taille réduite des écrans et la lenteur des services. Les spéciastratégistes tentent par toutes sortes de moyens de protéger et de faire croître leur ARPU, « Average Revenue Per User », le revenu moyen généré par chaque utilisateur. Mais il reste tiré vers le bas compte tenu de la concurrence entre opérateurs d’une part et des récentes innovations techniques qui, à l’exemple de l’immense succès de Skype (une application de téléphonie sur IP), détruisent lentement les modèles économiques traditionnels des opérateurs français. D’ici quelques mois les solutions WiFi et WiMax seront disponibles un peu partout. D’ailleurs au delà de l’hexagone, leur application ne servira pas à grand chose… donc nous sommes sur un marché domestique avec son faible taux de renouvellement des terminaux. Pas de quoi faire un chiffre d’enfer en regard des investissements à prévoir. Plutôt que de s’interroger sur les innovations à développer notamment en matière de services, on se livre à une course stérile contre la montre, entre opérateurs. Que le marché ne soit pas là reste secondaire. Le problème posé n’est pour le Ny’acqua Marketing d’avoir tort ou raison mais de rester au milieu du peloton des opérateurs des fois que… Ce n’est pas la « norme » ni le débit qui ont fait le succès de l’Imode japonais et qui feront celui à venir des services de la mobilité. Ce qui fait succès, c’est le service. Ce n’est pas la visio, ce sont les services rendus. Ce n’est pas la « route ou les autoroutes électroniques » qui font la différence, c’est l’économie de temps ou de déplacement, ou de sécurisation (tiens, je regarde si les enfants dorment). Le rêve de l’UMTS – autre norme qui viendra doper celle du GPRS – était bien dans la capacité à réaliser des bouquets de services suffisamment attractifs pour faire la différence avec son concurrent. Les opérateurs ne si trompent pas tous qui, comme Bouygues Télécom, tentent d’adapter des services proposés par le japonais NTT DoCoMo qui a fait l’énorme succès du Imode. C’est donc bien le service à valeur ajoutée au bout de la ligne qui fait la différence. Pourtant, le Ny’acka Marketing français fait la gueule lorsque on lui recommande de regarder ailleurs que dans le cahier des caractéristiques techniques de ses réseaux. Pourtant, avec quelques 60 milliards d’investissements à la clé pour rester dans la course à l’UMTS, les opérateurs pourraient bien distraire quelques millions pour susciter des services innovants ou s’associer avec des partenaires qui, par l’originalité de leurs services, génèrent du trafic. Peut-être faudrait-il rappeler ici que le modèle économique des opérateurs anglo-saxons, notamment américains, est de susciter des accords avec des entreprises qui génèrent du trafic… pas de vouloir le générer eux-mêmes, quitte à ristourner des centimes additionnels aux partenaires qui sont à la source de fortes demandes de transactions.
La Lettre d’Eurotechnopolis Institut Nº 45 – Janvier 2005