Dans les années 1970-1980, chaque être humain disposait en moyenne d’une énergie mécanique équivalente à 35 fois sa capacité propre. Une capacité énergétique due aux pouvoirs des machines qui doublaient tous les 36 ans. L’américain disposait de 110 fois plus de puissance mécanique contre 2 ou 3 pour l’africain. En 2005, nos équivalents mécaniques ne sont sans doute pas loin d’avoir doublé. Pourtant on reste bien en deçà désormais de ces analyses si l’on considère l’impact de la dématérialisation sur le bilan énergétique des activités humaines.
Durant la crise énergétique de 1983, la thèse développée aboutissait à établir une corrélation entre les déplacements pendulaires – domicile et lieu de travail – afin de réduire la facture énergétique. En réalité, la formidable croissance des autres mobilités (livraisons, dépannages sur place, mouvements logistiques divers, mobilités professionnelles et touristiques) rendait caduque une telle approche. De même, que la bureautique et l’informatique n’avaient pas vraiment contribué à la diminution de la consommation du papier contrairement à ce qui était annoncé dans les années 60. Par contre, la dématérialisation croissante aura contribué à diminuer de façon spectaculaire les « coûts de transaction » entre organisations et individus et à apporter une véritable réponse au défi énergétique de notre temps. La production annuelle mondiale de documents en 2003 représentait 3700 fois la distance Terre / Lune : le poids de 135 741 fusées Ariane et une consommation énergétique qui devient négligeable lorsqu’ils sont numérisés. Dans une étude sur les impacts de l’utilisation des réseaux dans le secteur de la santé par le développement du télé-diagnostic, un spécialiste de la neurochirurgie concluait à une diminution de moitié des transports pour la seule Ile-de-France. Un pneumologue qui recevait les scanners demandés pour ses patients par CDrom, les reçoit désormais directement sur son PC grâce à l’Adsl. Ces exemples se multiplient par centaines de milliers un peu partout. Bien évidemment, cela a des conséquences comptables considérables pour les entreprises comme pour nos sociétés. En passant d’une prothèse mécanique à une prothèse immatérielle nous sommes en train de prendre un virage vers une vraie réduction des coûts énergétiques. Il est vite évident que la digitalisation de toutes choses nous offre les « esclaves virtuels » dont nous avons besoin pour modifier les règles du jeu stratégique entre nations.
Plutôt que de penser l’économie immatérielle sur un plan comptable, ne pourrait-on pas aussi l’analyser en termes de bilan énergétique ? Les réseaux jouent un rôle croissant dans la réduction de la consommation énergétique. Pour ce médecin qui observait qu’il valait mieux lui envoyer quelques octets d’information plutôt que les 80 kg de son patient, quelques données font l’affaire pour discuter, échanger, apprendre, conclure. En son temps Ivan Illich dans son livre « Energie et Equité« , considérait comme scandaleuse la consommation énergétique des pays riches. Pour lui, ces pays avancés capturent l’essentiel de la production énergétique mondiale. Aujourd’hui, ces derniers font face à des compétiteurs qui à leur tour consomment de plus en plus d’énergie. Une des réponses possibles est de modifier (de réduire) la part de leur consommation énergétique dans la productivité globale des facteurs de production. Quoi de plus efficace alors que de produire alors des services à distances ? La question est donc posée à l’époque où toute la presse se fait l’écho d’une relance de notre politique industrielle : oui, mais avons nous une politique des services ? Une politique de services en ligne qui ne se réduise pas aux clichés habituels sur notre industrie touristique.