Ceux des lecteurs qui lisent la presse économique savent la croissance de la France molle, ses exportations insuffisantes, son marché du travail dévasté. Dans cette France encalminée, les français n’ont pour autres distractions que les empoignades entre cadors syndicaux ou parrains politiques, le tout largement encouragé par des corporations qui comptent les avantages tirés de ces stériles confrontations. La France oublie que son tissu regorge de richesses qui en font un des pays les plus primés de la terre dans les joutes sportives, le plus industrieux par la diversité de ses percées technologiques, le plus savant par l’exigence de ses formations.

duvet et plomb Comment se fait-il qu’avec ses atouts, cette France devienne stérile d’idées, de projets, de pratiques qui devraient faire sa fierté et sa richesse ?

Quels enzymes gloutons brident ou enlisent ses forces vives, ses entreprises ? Où passe sa vitalité, celle de sa jeunesse alors que partout dans le monde celle-ci s’emploie à faire de la vie une belle aventure. Que vient faire cette image « d’empire des vieux » qui colle à l’hexagone pour tout futur ? Pourquoi les français acceptent-ils une vision rousseauiste d’eux même qui tend à leur faire croire qu’en plus du bon sauvage il existerait un bon citoyen. Et que tant que nous n’aurons pas trouvé le « bon citoyen » d’une hypothétique VIème république nous ne saurions reprendre notre route. Quand allons nous nous remettre à rêver notre avenir et à le réaliser alors que le monde autour de nous bouge, s’organise, où tous les habitants souhaitent s’enrichir, trouver une norme de confort au moins égale à la notre ? Engluée dans ses règlements de comptes politiques, notre nation court le risque de passer à côté, de ne pas tirer profit d’une mutation économique dont elle est partie prenante. Depuis quelques années l’économie « low cost » fait sentir ses effets dans de nombreux pays sous la pression des pays émergeants. Ces derniers offrent un pouvoir d’argent supplémentaire aux acheteurs des pays dit « nantis ».

L’internet favorise cette pandémie de l’économie « low cost » qui affecte tous les compartiments de nos activités. Une mutation qui s’inscrit dans les changements en profondeur et durables de l’économie mondiale : le développement de l’économie immatérielle et ses objets numériques. Avec l’entrée dans l’économie de la connaissance et des biens numériques, nous sommes à l’orée d’un grand cycle économique prédit par l’économiste russe Kondratieff. Il se traduit, non comme un nouveau cycle de croissance traditionnel qui renouvellerait le miracle des « trente glorieuses » mais plutôt comme un cycle d’économie de moyens. Nos systèmes ne vont pas continuer à croître ou se relancer vigoureusement, en dehors de situations locales spécifiques. Ils vont s’optimiser, globalement. Pour le profane, l’idée est simple. Nous cessons d’utiliser des voitures gloutonnes tout en continuant d’améliorer leurs performances et leurs conforts. Inscrit dans un cycle du développement durable, nos économies vont faire en sorte d’utiliser mieux les ressources existantes. On parlera d’améliorer les performances des modèles, des écosystèmes existants ou de les modifier pour qu’ils consomment moins de ressources. Quels qu’ils soient. Pour cela, nous devrons mobiliser beaucoup de connaissances, les échanger intensément, les troquer, les vendre, les négocier en limitant les abus. Mais il nous faudra aussi avoir des idées, beaucoup d’idées, de la jeunesse, de la folie, un peu, et de l’audace, beaucoup.

Nous devrons redevenir le pays fertile du « siècle des lumières » pour féconder l’économie mondiale. Une évolution majeure des avantages comparatifs entre nations et entreprises est en cours. Si nous ne nous réveillions pas, nos compétiteurs vont aller démarcher nos clients, nos partenaires, nos fournisseurs avec des idées nouvelles, des projets de développement, des entrepreneurs de talents, de l’argent. Chez nous, les investissements vont continuer à se raréfier lentement faute de projets. Nos enfants iront voir à l’étranger si leurs idées et leurs énergies ne peuvent pas être mieux employées. Des sociétés importantes continueront à déplacer subrepticement les sièges sociaux dans d’autres capitales en nous laissant quelques vestiges. De plus en plus d’entreprises iront faire leurs marges et les dépenser à l’étranger, pendant que des représentants du peuple se chamailleront, toujours et encore, pour savoir pourquoi notre bourse est vide et nos emplois plus rares.

Denis Ettighoffer  Décembre 2006

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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