
Cambridge, 2 août 2031 – Johan Sagan va devenir célèbre. Ce professeur et chercheur respecté, spécialiste en neurobiologie, a été arrêté ce matin à l’aube. Il est soupçonné d’avoir délibérément manipulé le cerveau et le comportement d’une de ses patientes dont il était amoureux. C’est le mari de celle-ci (dont nous respecterons l’anonymat) qui, enseignant chercheur lui-même, a décelé des anomalies comportementales chez son épouse. Anomalies, avons-nous appris, identifiés à l’occasion de chaque changement de luminosité. Généralement utilisé pour modifier les comportements addictifs et effacer le souvenir de traumatismes sévères par des modifications chimiques dans les échanges entre neurones, le chercheur à littéralement manipulé sa patiente afin de lui imposer un comportement amoureux à son endroit. En d’autres termes, cet apprenti sorcier a remplacé l’élixir de l’amour par des manipulations affectant la mémoire et le discernement de sa patiente. Les travaux sur la manipulation des comportements ne datent pas de hier. Fantasmes des services secrets, craintes par les auteurs de SF et le grand public en général, les récents développements de la neurobiologie depuis le début du siècle ont permis de mieux en cerner les avantages et les risques potentiels. Déjà très encadrées, les applications des modifications comportementales sont issues des travaux du chercheur autrichien Miesenbôck. Début du siècle, lui et quelques confrères ont réussi des expériences étonnantes sur des mouches drosophiles en modifiant les gènes de leurs cerveaux puis en les faisant réagir différemment selon l’illumination imposée aux insectes. Depuis, des travaux sur des phénomènes électro-acoustiques qui modifiaient les perceptions des patients soumis à certains rayonnements ont permis de trouver des remèdes aux insomnies et aux névroses obsessionnelles. C’est pour cela que la patiente du docteur Sagan était venue consulter. Ce dernier, sans doute perturbé lui-même, a utilisé son laboratoire et ses connaissances pour modifier progressivement le comportement de sa patiente, en associant semble t-il une drogue qui l’hypnotisait lors de séances de soi disant thérapies neuronales. Pour l’immédiat de forts soupçons d’abus sexuel pèse sur le chercheur.