Aujourd’hui, les nations occidentales font face à des compétiteurs qui, à leur tour, consomment de plus en plus d’énergie. Des facteurs que l’on considérait – à tort – comme secondaires, pollution et la rareté des ressources, ont brutalement pris de l’importance lorsque des nations encore économiquement marginales ont décidé d’accéder aux standards de confort des occidentaux. Cela se traduit par une demande supplémentaire de ressources non renouvelables et une augmentation du prix des matières premières. Ces tensions sur le prix des matières premières et de l’énergie constituent un risque potentiel de conflits. L’effet de cisaillement entre production et consommation sera sans doute repoussé et ralenti par divers artifices. Les énergies fossiles sont un capital fini qui s’épuise.
Nous consommons mille six cent fois plus d’énergie qu’en 1900. Ivan Illich dans son livre, « Energie et Equité », considérait comme scandaleuse la consommation énergétique des pays riches. Pour lui, les pays avancés capturaient l’essentiel de la production énergétique mondiale. Dans les années 70, il soulignait déjà le déséquilibre énergétique grandissant entre les nations : 250 millions d’Américains dépensaient plus de carburant que n’en consommaient, tous ensemble 1 300 millions de Chinois et d’Indiens. La consommation électrique a plus que doublé entre 1970 et l’an 2000. En tendance actuelle, elle aura encore doublé vers 2030. L’enjeu est gigantesque ! La population mondiale approche les 6 milliards d’êtres humains. Pour limiter le montant de l’addition dans les décennies à venir, une des réponses est de réduire la part de notre consommation énergétique qui va devenir un facteur comparatif de la compétitivité d’une nation.
Ne parlez plus de productivité du travail, parlez de productivité énergétique.
Optimiser la consommation énergétique et la réduire de 25%, est un défi qui n’a rien d’utopique et ses effets peuvent être spectaculaires sur le budget des ménages et des collectivités publiques. Ce défi va fortement stimuler la recherche de solutions de substitution. Parmi les réponses possibles, on trouve la dématérialisation croissante des activités et les applications de plus en plus courantes de la simulation (ou réalité virtuelle) qui répondent au défi énergétique de notre temps. Le capital numérique et immatériel reste, lui, infini et inépuisable. Les biens numériques ne consomment pas – ou peu – de ressources matérielles. Ils n’appauvrissent pas les sols, n’utilisent pas d’emballages et n’exigent pas de transport polluant et coûteux en énergie. Alors quoi de plus efficace et éco-efficient que de continuer à dématérialiser nos activités et produire des services à distance ? Nous sommes entrés dans le siècle de l’optimisation des ressources prédit par Kondratiev. L’objectif est clair : il s’agit de casser le dogme selon lequel toute croissance économique ne peut se faire qu’en consommant plus d’énergie et de ressources.
La Digital Life est une solution pour le renouvellement de notre approche du développement durable (DD) et des modes de consommation des pays avancés. Selon les auteurs spécialisés – pas toujours d’accord entre eux – une conception de l’économie du futur, fondée sur l’économie de moyens, pourrait permettre de multiplier par quatre et davantage nos capacités de recyclage et de production. C’est indéniablement dans la vie numérique que se trouvent les solutions pour limiter la consommation énergétique sans bloquer tout développement économique. La consommation énergétique de la totalité des télécommunications représente moins de 1% de la consommation des esclaves mécaniques. Chaque fois qu’un bien numérique se substitue à un bien tangible ce sont des milliers de Kilowatts heures que nous économisons. Chaque fois qu’un service distant élimine ou réduit des déplacements, ce sont des milliers d’esclaves mécaniques de moins à nourrir. Le prix du pétrole et des sources énergétiques ne cesse d’augmenter alors que l’explosion de la mobilité des hommes et des objets continue à peser de façon considérable sur les bilans énergétiques. En parallèle, le prix des télécommunications et des outils communicants n’a pas cessé de diminuer de façon spectaculaire. Nous sommes à un des tournants historiques d’une époque où les hommes ne doivent plus simplement inventer des machines qui suppléent leurs limites physiques. Ils doivent se tourner vers des outils qui leur permettent de tirer le meilleur parti d’un cortex planétaire qui facilite les échanges de services et de connaissances tout en économisant des ressources énergétiques coûteuses. Il devient évident que la digitalisation de toutes choses nous offre les « esclaves virtuels » dont nous avons besoin pour modifier les règles du jeu stratégique entre nations.
Les téléservices comme le télétravail limitent les déplacements.
Dans une étude sur les impacts du développement du télédiagnostic, un spécialiste de la neurochirurgie concluait à une diminution de moitié de la demande de transports de ses malades pour la seule Ile-de-France. Un pneumologue qui recevait les images des scanners demandés pour ses patients par CD Rom les reçoit désormais directement sur son PC grâce à son réseau haut débit. Il contribue aussi à la réduction de la consommation de papier en limitant les conséquences d’une obsolescence rapide des documents. Ces exemples se multiplient par centaines de milliers un peu partout avec des conséquences comptables considérables. La dématérialisation a contribué à diminuer le coût des transactions entre organisations et individus. Ce qui a permis des économies spectaculaires pour des organisations de plus en plus nombreuses travaillant en flux tendus. Avec leur intranet les entreprises fluidifient les processus et les manipulations papier et les échanges de contenus : courrier entrant, données métier, brochures, etc.… Les réseaux électroniques engendrent également plusieurs bénéfices indirects : une réduction relative des espaces de bureau ou d’entrepôts consacrés à l’archivage et aux stockages. De même, des milliers de cadres ou de collaborateurs de l’entreprise deviennent plus efficaces grâce aux calls conference qu’ils utilisent à tour de bras. Une Visio ou une call conference coûte bien moins cher que d’envoyer quatre ou cinq salariés en voyage pendant une journée pour une réunion de quelques heures. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de tenir un cours de mise à niveau pour une dizaine d’agents installés à des centaines voire à des milliers de kilomètres du siège.
La subsidiarité croissante entre biens matériels et biens numériques a pour conséquence d’améliorer le bilan énergétique d’une économie. Grace aux réseaux les modes de travail de création coopérative de richesses et de partage des biens immatériels s’affirment comme une alternative éco-efficiente et un scénario de gestion économe de nos ressources traditionnelles. Les bureaux virtuels permettent la simulation et l’accès à des services bureaux en ligne en contribuant à améliorer le bilan énergétique des activités du tertiaire. Empiriquement, on s’accorde sur le fait que la contribution économique des investissements immatériels est proportionnellement d’autant plus significative que le nombre d’organisations interconnectées s’accroît. Ce n’est un secret pour personne que le retard au développement économique d’une région donnée tient à son manque de moyens de communication. Si ce transfert des transports vers les télécommunications n’avait pas lieu, notre demande d’énergie augmenterait de 10% par an pour la seule logistique des transports en général.
Notre grande erreur est sans doute d’avoir confondu le progrès avec la croissance économique. Depuis des années, dans nos pays – dits avancés- la croissance économique n’est plus la réponse à des besoins vitaux, primaires, mais à des éléments de confort ou de différenciation sociale qui semblent indispensables aux castes auxquelles nous appartenons. La commercialisation forcenée de nouveaux biens rendus enviables par la publicité encourage plutôt la consommation de ressources supplémentaires. Sommes-nous prêts à reconsidérer la croissance à la lumière d’une réflexion plus approfondie sur le progrès. Dans un contexte mondial où la croissance va être fortement bridée par les limitations des consommations énergétiques et le prix de certaines matières premières, on peut s’attendre à une réorientation des investissements monétaires vers les filières de la R&D et des produits ou services « économiseurs » de ressources. Il ne s’agit pas simplement de passer en régime moderato pour une vie simple, encore faut-il préserver notre capacité à créer des richesses. C’est là où nous devons saisir toutes nos chances ! Dans cette perspective les actions destinées à diminuer l’empreinte énergétique et les surconsommations inutiles ne valent qu’accompagnées d’ouverture à de nouveaux marchés. La voiture économe sera suivie de la maison autonome qui sera à son tour suivie des emballages biodégradables, eux-mêmes suivis des équipements récupérables etc.… Tout un virage est en train de s’opérer qui modifiera notre rapport aux services et aux biens d’équipements.
Grâce à la Digital Life, le Développement Durable peut devenir une véritable opportunité pour créer de nouveaux marchés, de nouveaux emplois en s’appuyant sur un ensemble de compétences qui vont devenir précieuses dans les années à venir. La sobriété énergétique allant dans le sens du développement durable est soutenue par les pouvoirs publics. Mais, outre qu’elle est une source d’économies pour toute collectivité, les applications de la vie numérique sont aussi une source d’un savoir-faire exportable, d’activités nouvelles et d’emplois. A défaut, les pays qui avancent le plus dans la maîtrise de la Digital Life exporteront leurs solutions et domineront un marché de l’éco-efficience évaluée à plus de 500 milliards d’euros.