La Lettre d’Eurotechnopolis – Été 1996 – D’ici à quelques années, à la place d’une économie concentrée dans d’importantes sociétés représentant un pays donné, nous trouverons un ensemble fédéré de PME internationales très spécialisées. Parfois issues de l’éclatement volontaire de grands groupes, tournées vers le marché, elles seront capables d’une forte interactivité et multiplieront les occasions d’utiliser les « networks » pour développer leurs affaires. Dans cette perspective, les réseaux électroniques deviennent non plus de simples instruments de productivité spécifiques à une ou plusieurs entreprises, mais aussi un levier qui favorise les coopérations interentreprises, le développement de leurs affaires, donc des emplois.
Les entreprises découvrent d’abord de nouvelles façons de gagner ensemble de la productivité, mais aussi de nouvelles façons de faire des affaires, de créer des richesses. Au départ, classiquement utilisés dans une optique de « cost cutting« , pour gagner en productivité, grâce à la réduction des coûts d’intermédiation, les réseaux de télétravail coopératif – de groupware – sont en train, dans une nouvelle logique de profit, de constituer l’embryon des futurs réseaux d’affaires. Les réseaux de télétravail permettent d’optimiser les « chaînes de valeur ajoutée » entre de nombreux partenaires. Ainsi, la mise en place d’une série de « virtual workshops », de forums de travail à distance, pour les services achat d’une compagnie internationale représentée dans une trentaine de pays a permis aux 300 acheteurs d’échanger des informations précieuses sur leurs pratiques et sur leurs fournisseurs respectifs. En renforçant leur pouvoir de négociation, en découvrant des conditions commerciales plus avantageuses, en reconsidérant toute la logistique des achats au plan mondial, ils ont collectivement pu réorienter complètement leurs approvisionnements et faire plusieurs dizaines de millions de francs d’économies.
Mais le cœur des applications du « groupware » n’est pas uniquement dans l’intégration des fonctions des grandes compagnies, il est dans les développements du « cooperative working » entre des PME, des PMI, entre des organisations de toutes sortes. Les Anglais, qui n’ont pas du tout la même approche du télétravail qu’en France, ont lancé, sous l’impulsion du DTI (Department of Trade and Industry), une vigoureuse campagne d’information et de sensibilisation vers ces entreprises afin qu’elles s’équipent pour s’habituer à coopérer, notamment pour améliorer en commun leur capacité à s’installer sur de nouveaux marchés. Les pouvoirs publics ont admis qu’ils ont un rôle nouveau à jouer dans la compétitivité globale de leurs PME en soutenant notamment leurs investissements dans les applications du « cooperative working« , parce qu’ils ont compris qu’encourager ces formes d’organisations c’était, à terme, encourager la constitution de réseaux d’affaires.
Alors que se développent lentement les produits systémiques – des produits et des services élaborés à plusieurs – des réseaux de co-traitance se mettent lentement en place en Europe. Ces réseaux de compétences partagées deviendront à terme des réseaux d’affaires. Objectif d’autant plus fondée que de plus en plus de PME peuvent être confrontées au besoin de plasticité d’organisations/ projets qui doivent, quasi d’un jour sur l’autre, mobiliser et coordonner des compétences extrêmement variables en nombre et en qualité face à des clients internationaux. Voilà pourquoi, quelles que soient les difficultés, bien réelles, de la mise à niveau dans ces domaines du « groupware », l’enjeu est d’une importance telle que personne ne peut se permettre aujourd’hui l’économie d’un investissement dans la découverte du « télé » travail en mode coopératif. Ni les pouvoirs publics continuer à ignorer leurs responsabilités dans la performance globale de leurs PME.
La Lettre d’Eurotechnopolis Institut Nº 9 – Denis Ettighoffer