La mutualisation de la matière grise est un des nouveaux défis de la netéconomie. Sur la Toile, dans les forums spécialisés, les défis succèdent aux défis. L’émulation et la coopération des talents qui s’unissent grâce à la Toile pour résoudre un problème potentialisent la matière grise dans le monde. Les réseaux savants ont un rôle moteur dans l’innovation et la création de valeur. Les méthodes de production d’idées et de création de valeur ajoutée conjuguée constituant « l’économie coopérative » ou « e.fertilisation » n’ont rien à voir avec les méthodes connues de productivité. Dans l’entreprise en réseau accéder aux connaissances et aux idées devient aussi vital que de disposer de matériaux rares ou même de capitaux. La complexité des problèmes et des connaissances à mobiliser oblige à rassembler les talents d’hommes de métiers différents. Cette mutation radicale dope les applications du télétravail en mode coopératif entre des acteurs parfois de nationalités différentes afin de favoriser la « pollinisation » des savoirs.
Les progrès en matière de cryptographie viennent de faire un bond grâce aux travaux de mathématiciens de premier plan. Les codes à casser sont passés de 20 bits dans les années 1970 à plus de 200 aujourd’hui. Grâce à Hendrick Lenstra, de l’université de Leyde en Hollande, de Carl Pomerance du Dartmouth College dans le New Hampshire (Etats-Unis) associés à Daniel Bernstein de l’université de l’Illinois(Etats-Unis), le temps de traitement pour décomposer un nombre entier de 100 unités en nombres premiers a été accéléré de 10 milliards de fois ! C’est un français, François Morain de l’Ecole Polytechnique, qui a encore amélioré la performance. Un résultat du à la coopération de mathématiciens sur la Toile. Coopération toujours lorsque Procter & Gambel estime que la contribution des clients représente une économie de 13% sur la structure de coûts de l’industrie alimentaire américaine, soit 10 milliards de dollars par an. Car dans les entreprises, la plupart des innovations sont issues des demandes clients et des suggestions du personnel. Les groupes auxquels les salariés ont affaire dans les réseaux ne sont pas les mêmes que ceux qu’ils fréquentent quotidiennement. Des salariés ou des cadres d’autres directions, d’autres établissements peuvent devenir partie prenante d’un projet qui les réunit occasionnellement. Les pratiques d’échanges d’idées, d’expériences en réseaux désacralisent le travail à distance. L’outil devient révolutionnaire (on contourne la hiérarchie pour aller vers la source d’information considérée comme la plus pertinente), source de solutions à des dysfonctionnements (on se débrouille pour s’informer et prendre des décisions), moyen d’apprentissage continu (on accède à des expertises sans devoir en passer par les savoirs hiérarchiques). On peut imaginer sans mal qu’en élargissant le nombre des intervenants sans coût supplémentaire, le rendement des idées et des suggestions sera bien supérieur ! Le message a été bien compris. Il faut faire coopérer le client -voire même le prospect – dans la communauté fondée et animée par l’entreprise. Cela ne se fera pas sans bouleverser les façons de penser le management d’hommes organisés en réseaux professionnels et les façons d’organiser l’accès à des ressources matérielles ou immatérielles de plus en plus partagées. Pour créer de la valeur, le personnel est encouragé à aider d’autres personnes à devenir plus efficaces. Dans un groupe, si un membre invente une idée sur une façon de travailler plus rapidement, s’il la partage avec son groupe, il en améliore la productivité. Si cette idée, il l’offre à d’autres équipes, il améliore encore davantage la productivité globale de son entreprise. C’est une augmentation d’efficience complémentaire encore plus spectaculaire. D’où l’importance de libérer et de faire circuler les idées et les savoirs faire. Pour cela, les entreprises doivent faire travailler ensemble un nombre croissant d’individus, pas forcément très enclins à échanger des idées et des compétences via les réseaux informatiques. Les méthodes de production d’idées et de création de valeur ajoutée conjuguée n’ont rien à voir avec les méthodes connues de productivité.
Les managers sont face à un défi majeur : passer de l’organisation du chiffre à l’organisation de réseaux humains et, après des décennies de numérisation de toutes choses, remettre l’homme au centre de leurs réseaux informatiques. Dans l’entreprise nous passons d’une logique des fonctions à une logique de la relation. L’expansion des connaissances fait que ce qui crée de la valeur n’est plus la partie physique du travail mais la composante créatrice, relationnelle de l’activité de chaque opérateur humain. Le capital relationnel correspond au potentiel d’interactions de l’entreprise avec son milieu, sa capacité à tisser des partenariats. Ce qui compte, c’est la résultante collective des capacités de chacun d’aller vers les autres pour favoriser la fertilisation des idées et des savoirs. Selon la qualité des interactions qui s’établissent entre les membres d’une communauté de destin, de valeurs partagées, cette intelligence collective sera médiocre ou très supérieure à la simple somme des talents de chacun. Ensemble, ils constituent de véritables réseaux spécialisés, des réseaux savants, dédiés à des blocs de compétences spécifiques. Cette mutation radicale modifie le tissu économique et la redistribution du travail entre des acteurs de nationalités et de cultures différentes pour gagner en intelligence coopérative. Le cyberespace instaure une capacité nouvelle à échanger des idées, des savoirs à grande échelle tout imposant à chacun une vérité bonne à rappeler : Penser global et agir local.