Annie Battle, Les Echos, 7 septembre 1999
Internet fait naître une nouvelle génération de micro et toutes petites entreprises, qui travaillent parfois sur un bout de table… 15 000 nouveaux cyberentrepreneurs apparaissent tous les mois aux Etats-Unis. Ils seront 50 millions l’an prochain.
« J’ai démarré mon affaire il y a trois ans avec mon frère qui travaille pour une société de serveurs et m’a permis de disposer d’un site Web gratuit. Je voulais diffuser des informations sur la communication télépathique avec les animaux. Voila d’où je suis parti. Puis je suis devenu distributeur de nourritures pour chat et chien Flint River Ranch. L’affaire a très bien marché, suffisamment pour que suis puisse quitter mon job… ». Des cyberentrepreneurs en chambre; il en naît 15 000 nouveaux tous les mois aux Etats-Unis, on prévoit qu’ils seront 50 millions l’an prochain, dont 27 millions de SOHO (small office-home office).
Des affaires de famille.
Ces micro-entreprises ont en effet souvent leur siège dans la cuisine et, pour plus du tiers, ce sont des affaires qui mobilisent femme et enfants. Les créatrices sont d’ailleurs en majorité des femmes. Les cyberentreprises constituent une activité d’appoint mais peuvent se transformer en start-up pour déboucher sur un « gros business », comme Mirabilis, micro-entreprise israélienne passée à 280 millions de dollars en deux ans. Elles ne nécessitent pas de gros investissement. On peut créer un site avec moins de 10 000 francs, surtout si on l’installe au Québec, paradis des aventuriers du Web. Leur domaine privilégié est celui des micro-activités dans les services et donne lieu à une débauche d’inventivité : de la création de « circuits de nage avec les dauphins en liberté » aux psychanalyses on line. Mais elles proposent aussi les produits les plus originaux, bas à couture ou voitures de collaborateurs de chez Renault, histoires « osées », fossiles, distributeurs de chewing-gum de collection… Et pour se jeter dans ces aventures, il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste des ordinateurs et des réseaux électroniques. On peut sous-traiter hébergement, conception et graphisme…
Révolution de l’esprit d’entreprise
Pour profiter de ce gisement d’activités, il va falloir encourager une révolution de l’esprit d’entreprise en France, car on continue d’y mépriser les « petits boulots ». Le commerce électronique vers les particuliers y reste très modeste, les grandes entreprises « tâtent l’eau du bout de l’orteil », les micro-entreprises sont encore rares sur le Web. L’auteur de l’ouvrage (1), Denis ETTIGHOFFER, ancien directeur développement des NTIC pour Bossard Consultants, a lancé, avec le soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations, une étude sur le développement un peu partout dans le monde de ces innovateurs qui « ouvrent une boutique sur un coin de la Toile ». Le livre en détaille les résultats. Très loin d’une étude savante, il dessine un panorama très concret des pratiques dont le moteur est « money, money » et qui font naître une avalanche de micro-entreprises individuelles et familiales fourmillant d’idées.
Il passe en revue les façons de faire et les technologies qui vont compter. Ce sont le « push » (nouveau couponing électronique), les bases de données relationnelles et le « tracking » (identification des cybervisiteurs, de leurs sources d’intérêts, de leurs achats préférentiels). Le dernier chapitre conclut sur les conditions du succès en France, dont l’encouragement systématique de la cyberentreprise personnelle, fer de lance de la création d’emplois nouveaux, qui devrait être protégée comme l’est le salariat. L’auteur, avec le soutien de dix institutions (comme l’Agence pour la création d’entreprises) et entreprises (dont Lotus Corporation) prolonge l’impact pédagogique par la création – sur le Net – d’un site « eBusinessGeneration.com » qui a l’ambition de devenir la première pépinière virtuelle française en matière de soutien à la création de micro-activités en ligne.
(1) : « e-Business Generation, les micro-entreprises gagnent de l’argent sur Internet », Denis Ettighoffer, Editions Village Mondial, 1999