Le nombre de salariés en relation avec des clients, des intervenants ou des fournisseurs extérieurs a véritablement explosé : 79% des salariés étaient en contact direct avec la clientèle ou le public en 2001, contre 29% en 1987. Les entreprises évoluent ainsi d’une logique de fonction vers une logique de relations : leurs unités fonctionnelles et opérationnelles sont plus autonomes et elles nouent des relations collaboratives avec un nombre croissant d’acteurs évoluant dans son écosystème.Accéder aux idées pertinentes est désormais vital pour réussir sur ses marchés. La complexité des problèmes et des connaissances à mobiliser oblige à rassembler les talents d’hommes et de métiers différents. Mais cela n’est pas suffisant. Les entreprises doivent faire travailler ensemble un nombre croissant d’individus, pas forcément très enclins à échanger des idées et des compétences via les réseaux informatiques. L’enjeu est de taille : remettre l’humain au centre des réseaux. L’efficacité des organisations dépend de la qualité des relations établies entre les porteurs de talents, dans et hors de l’entreprise qui devient étendue, voire virtuelle. Et dans cette chaîne des valeurs ajoutées conjuguées qui les associe à des communautés professionnelles de plus en plus nombreuses, le facteur humain prend une importance grandissante : il constitue le capital relationnel de l’entreprise, sa capacité de séduction, d’attraction, de sympathie.
Disposer des meilleures organisations collaboratives devient ainsi l’objectif de différenciation compétitive des années à venir. La croissance et l’accumulation considérable des investissements immatériels rend plus cruciale que jamais la question de leur rentabilité dans les entreprises. Les dépenses envisagées constituent une valeur finie indépendante de la production d’idées pouvant êtrre exploitées. Les innovations ne sont plus le fait de quelques grosses têtes mais plutôt de groupes de progrès qui travaillent ensemble, en affinités. Aussi, afin que les innovations ne disparaissent parce que dépassées, l’entreprise doit renouveler constamment son stock d’idées en multipliant les sources d’inspiration, les contacts avec une multiplicité de réseaux directement ou indirectement proches de son écosystème. On sait que plupart des innovations sont issues des demandes des clients et des suggestions du personnel. On peut donc imaginer sans mal qu’en élargissant le nombre des intervenants grâce à internet le rendement des idées sera bien supérieur ! Il s’agit, pour en tirer un bénéfice, de multiplier les occasions d’acquérir des savoirs économiquement, d’utiliser les rendements croissants d’échelles offerts par les réseaux électroniques associés à des centres de ressources de compétences. Les universités, les centres de recherches et les sociétés de conseil internationales, par exemple, deviennent autant de viviers utiles pour les entreprises.
Pour cela les dirigeants devront adapter leurs organisations en mettant l’homme au centre des réseaux : « human link » est devenu le sigle magique. Ce phénomène nouveau d’e.fertilisation se défini dans la capacité d’une organisation à utiliser et valoriser les actifs immatériels : la création de valeur ajoutée est désormais dépendante de la fertilisation des idées et des savoirs qui se rencontrent et collaborent via les réseaux informatiques. Le responsable d’entreprise doit jouer sur les leviers qui incitent au partage des savoirs. Il doit favoriser la « pollinisation » qui fertilisera ses équipes. Et c’est là toute la difficulté : comment faire participer des salariés à l’animation des réseaux lorsque cette participation se réduit à des contraintes nouvelles sans contrepartie ? C’est pourquoi la mise en place d’organisations collaboratives ne peut se développer que dans un contexte culturel favorable aux échanges. Tout l’enjeu des rencontres virtuelles de nature à enrichir l’entreprise se résume ainsi : Comment donner envie aux gens d’e.collaborer ? Quelles sont les méthodes et les conditions capables de satisfaire à la fois les contraintes économiques imposées à l’entreprise et les attentes individuelles de ses collaborateurs ?
Partout, la logique de commandement doit s’effacer devant la pratique de l’écoute, de la conviction, de la séduction, car on ne peut exiger par la contrainte ni les idées des personnels, ni celles des partenaires, ni la fidélité de clients sollicités au niveau planétaire par la concurrence. La réponse se trouve sans doute dans des raisonnements qui acceptent d’emblée le recours aux émotions et aux désirs de valorisation personnelle, à l’ouverture vers des réseaux transversaux. J’ai suggéré récemment à un responsable d’un réseau mondial une politique d’incitation pour récompenser les personnels les plus actifs dans les forums de discussions grâce à l’accumulation de points « miles ». Il m’a regardé d’une drôle de façon. Cela m’a rappelé le regard de ceux devant qui je défendais, il n’y a pas si longtemps, l’avenir de la micro-informatique considérée alors comme un avatar des outils de secrétariat. Et c’est bien là le plus grand défi qui s’offre aux dirigeants : choisir leur camp dans ce débat sans fin qui oppose les partisans de la prévision chiffrée à ceux qui acceptent l’incertitude des aventures humaines. Après tout, même l’économiste Keynes, acceptait le principe d’incertitude : « Mieux vaut avoir vaguement raison que précisément tort », affirmait-il.
Presentation_enquete_efertilisation Eurotechnopolis Institut- Janvier 2004 Denis Ettighoffer