En 2010, j’estimais que les réseaux sociaux allaient  subir leurs premiers vrais problèmes et sans doute une diminution de leurs adhérents. Cela se confirme cette année 2011. Même si cela reste proportionnellement faible, la multiplication des problèmes de vols des données, de sécurité, les histoires pas très ragoutantes de racolage dont on été victimes des internautes, les drames enfin qui ont affecté de nombreuses familles suite à des imprudences de leur enfant, ont rendu plus prudents des internautes alors que d’autres ont carrément cessé d’utiliser les réseaux sociaux.

En 1998, les échanges commerciaux devenaient plus importants que les échanges universitaires. Depuis 2008 ce n’est plus vrai. Les échanges dans les réseaux sociaux sont redevenus plus importants que les transactions commerciales. Avec plus d’un milliard deux cent millions d’internautes et 2, 5 Milliards de Mobinautes, il s’échange quelques 80 milliards de mails/jour et Google annonçait récemment qu’il existait plus d’un milliard de BAL sur la Toile. Mais en devenant les principaux générateurs de trafics, les Réseaux Sociaux sont devenus la cible des opérateurs majeurs de l’Internet. Le nombre de pages vues et échangées dans les réseaux sociaux est une motivation puissante pour les opérateurs qui, comme Yahoo, Microsoft ou Google, n’ont pas encore réussi à imposer leurs réseaux communautaires. Datamonitor estime à plus d’un milliard de dollars la publicité engendrée par les réseaux sociaux ce qui en fait une cible publicitaire très enviable. Aussi de grandes manœuvres sont-elles en cours afin de s’emparer des réseaux sociaux comme Facebook ou Bebo, soit par rachat, soit par alliances. Alliances que ne sont sans doute pas faites pour déplaire à certains de ces réseaux à la recherche de résultats plus consistants car tous ne sont pas des réussites économiques, loin de là. Si on en croît la presse spécialisée, des rapprochements ou des discussions sont en cours avec, Linkedin, ainsi que d’autres réseaux socioprofessionnels spécialisés comme Friendster, Plaxo, Ning, Engage.com, Hyves, Imeem, Six Apart, Tianji, Viadeo et XING. La question en devenir est de savoir comment vont réagir les internautes face au risque de se voir diluées chez les opérateurs dominants ? La résistance à la collecte d’informations personnelles, la crainte de savoir ses données personnelles devenir une matière marchande, pourraient les inciter à migrer vers d’autres réseaux sociaux qui prendraient l’engagement de ne pas les commercialiser. De plus, alors que les conditions d’abonnement et de fonctionnement de certains réseaux sont de plus en plus inquisitrices, une majorité d’internautes s’inquiète de la sécurité des réseaux sociaux, aux risques d’usurpation d’identité. Sans doute faut-il y voir l’explication d’une désaffection croissante de certains réseaux qui se traduit par une multiplication de comptes dormants, abandonnés et des désabonnements qui seraient de l’ordre de 6 millions d’utilisateurs pour FaceBook Amérique sur les deux derniers mois. Un phénomène qui affecte de nombreux pays. Pas de quoi s’inquiéter à priori pour une firme qui compte presque 700 millions « d’amis ». Mais au moins de quoi s’interroger sur les limites d’un modèle dont la croissance ne peut grimper jusqu’à la lune. L’heure de certaines remises en question semble bien avoir sonné. En bradant le réseau social Myspace, acheté 580 millions de dollars en 2005, pour 35 millions de dollars, le groupe de Robert Murdoch illustre la difficulté à faire vivre et à développer un réseau social généraliste qui gagne de l’argent.

Cela n’affecte guère l’encore forte croissance de l’offre de réseaux qui se resserre sur des cibles plus « marquetées », notamment dans le secteur professionnel qui génèrent des ressources d’abonnements. En effet, il n’échappe plus à personne qu’Il existe un risque de dilution de l’effet club sous l’influence d’une offre pléthorique. D’où un risque aussi pour l’internaute de se perdre et de dépenser trop de temps à gérer ses réseaux. Pour un « réseauteur » chevronnée : c’est la pertinence de la connexion qui prime. Dans «L’intelligence des réseaux», Derrick de Kerckhove[1], professeur à l’université de Toronto, souligne que la loi du Web est l’inverse de la loi des médias de masse : la valeur est créée par la pertinence de chaque connexion, plutôt qu’à viser un auditoire de masse. Aussi avoir des centaines « d’amis » devient vite un exercice puéril qui retiendra peut être l’intérêt de nos ados, mais de moins en moins ceux des internautes qui en font un vrai outil de la relation sociale et professionnelle. Une grande partie des internautes sont désormais affiliés à des réseaux dédiés, parfois moins connus du grand public. Cela va des clubs universitaires ou professionnels aux réseaux corporatifs (informatique, médecine, automobile, finances, etc. déjà très présents dans les années 80 sur Usenet ) ou sociaux (ONG, de rencontres, d’entraides, de femmes etc.), sans parler des jeux en réseaux qui font une percée spectaculaire. Percée qui atteindra bientôt les secteurs de l’éducation encore confits dans des pratiques pédagogiques d‘un autre temps. La grand majorité ne font pas les frontons de l’actualité, pourtant tous s’avèrent précieux dans une socio-économie du lien[2] et des solidarités. Par exemple, les réseaux spécialisés intéressent les  directions des Ressources Humaines qui en tirent parti pour recruter. Ces réseaux sont «des viviers de candidats potentiels», à savoir des réservoirs de professionnels qui décrivent leurs expériences, leur formation, avec des témoignages explicitant dans quelles circonstances ils ont travaillé, éventuellement avec des équipes internationales. Une mine d’informations bien plus riche que ce que l’on peut trouver par une simple «CV». Ces réseaux sociaux permettent d’entrer en relation avec des profils très spécifiques, pas nécessairement en recherche d’emploi, mais à l’écoute du marché. C’est une manière non offensive de prendre contact, dans une logique à moyen et long termes», explique Emilie Desodt, responsable RH chez Altima. D’autres utilisent les réseaux sociaux comme outils de veille sur les évolutions des secteurs qui les intéressent afin de collecter des informations et de  recueillir le sentiment des internautes sur différents sujets. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’en murissant, ceux des réseaux sociaux qui fonctionnaient selon un business model qui s’appuyaient sur le voyeurisme et l’exhibitionnisme, perdent des internautes au bénéfice de réseaux offrant une vraie utilité sociale et professionnelle. Cela explique que si un réseau comme Myspace a été récemment bradé, le réseau Linkedin a fait une entrée triomphale en bourse en mai dernier.

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La fréquentation des Réseaux sociaux n’est pas sans danger. S’ils contribuent à promouvoir un homme savant ou un artiste talentueux, la réputation d’une personne se crée, se développe et se gère avec le personal branding comme une marque. Mais gare à l’erreur, gare à la chute! 30 % des recherches sur Internet ont pour objet une personne. 47 % des adultes américains (contre 22 % en 2002) ont déjà vérifié ce qui se disait d’eux sur le réseau. 53 % d’entre eux admettent aussi se renseigner sur leurs collègues de bureau, leurs voisins ou leurs futur(e)s conjoint(e). En Corée du Sud, le chien d’une jeune femme fait ses besoins dans le métro. Elle descend de la rame sans nettoyer. Des passagers outrés la prennent en photo avec leur téléphone mobile. La photo se diffuse sur le net. La femme sera retrouvée, traquée, humiliée. Plusieurs affiches parodiques représentant la « dog-shit girl » seront créées et propagées. On peut imaginer sa vie face à ses voisins, ses relations personnelles. Souvenons nous encore du tintamarre médiatique suite aux invitations « aux cuites collectives » venu de FaceBook ou encore lors du lancement du site français note2be.com destiné à noter des enseignants… et qui fonctionne encore ! Aux USA, un site similaire, Ratemyprofessor a déjà collecté quatre millions de commentaires sur 600 000 enseignants venant de 5 000 établissements.


[1] « L’intelligence des réseaux», Derrick de Kerckhove, Editions Odile Jacob.

[2] On trouvera sur notre site une étude plus complète du phénomène extraite de Netbrain.

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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