La propension des autorités françaises à vouloir toujours tout régenter, tout encadrer, tout organiser, y compris les aléas supposés de toutes activités humaines est un marqueur de notre société. Il ne nous fait pas honneur. C’est cette attitude, cette façon de vouloir se mêler de tout, et partout, qui aura tué les petits métiers d’après guerre. Les paperasses et les embarras administratifs, puis les taxes à gogo ont eut la peau des petits métiers. Ils ont disparu victimes du progrès mais aussi du découragement engendré par une police administrative tatillonne. La voilà de retour sous l’apparence d’une ministre qui, croyant bien faire, envisage d’encadrer, donc de juguler, de pénaliser, le retour moderne des petits métiers de services qui, à défaut d’offrir des revenus réguliers, facilitaient la survie ou un complément de revenus à des « auto-entrepreneurs ». Lorsqu’en 1995, j’annonçais l’avènement du « travailleur polyactif[1] » puis, dans d’autres ouvrages ou articles, les effets prévisibles des transformations du marché du travail avec le développement du « self employment », je me doutais bien des résistances du monde du travail à ce qui était considéré comme le développement d’activités de « mercenaires ». Une population croissante, mais néanmoins marginale, de « salariés libéraux » acceptant de travailler par missions. En 1998, je redonnais des couleurs à ce phénomène de plus en plus visible en parlant des effets de l’internet sur l’économie de basse intensité et les facilités nouvelles d’installer des activités de services en ligne sur la Toile[2]. Cette population de travailleurs libéraux, par goût pour certains, par défaut pour d’autres, maintenant de plus en plus visible, dérange.
Madame la ministre n’écoutez pas les jeunes gens brillants de votre cabinet qui ne connaissent pas grand-chose à la vie des entreprises, ni de la débrouillardise indispensable à la survie économique de nombre de français en ces temps difficiles. N’écoutez pas non plus les cris d’effroi des artisans et commerçants qui les veulent voir disparaitre ou les affaiblir. De tout temps les groupes d’intérêts se sont affrontés avec l’aide des pouvoirs en place afin d’obtenir qui un avantage, qui une protection particulière, le plus souvent au détriment d’une confrérie adverse. Rien dans les inconvénients annoncés ne vaut l’intervention et la gestion tatillonne d’une population « économiquement marginale » dans sa grande majorité. Ayez la sagesse de laisser l’auto-organisation faire son travail. Nous sommes face à des problèmes à la frange de l’économie et du salariat mais aussi face, pour la plupart, à des hommes et à des femmes fragiles. Ils ont surtout besoin d’être protégés d’artisans ou d’entrepreneurs sans scrupules qui obligent des salariés – du bâtiment notamment – à s’installer en auto-employeur afin d’obtenir un travail sous payé sur leur chantier ! Pensez plutôt à sanctionner sévèrement les abus dont ils sont victimes, par exemple les défauts de règlement de clients peu scrupuleux. Madame la Ministre, Il y a quelques années à un ami américain qui s’étonnait du faible nombre de TPE et libéraux français (moitié moins qu’en Grande Bretagne par exemple) je lui fis observer que beaucoup de français, faute de mieux, utilisaient le statut associatif bien moins encadré afin de tester des activités marchandes ou non afin de s’en sortir[3]. Laisserez-vous, ces « self-employeurs » repartir dans la clandestinité !? Partout dans le monde ce statut de mercenaires est souvent associé à un déclassement social et économique, même si cela n’est pas toujours facile, beaucoup se sont réjouis de rejoindre officiellement le statut d’auto entrepreneur. Ne les décevez pas. Protégez-les. Merci.
[1] Le Travail au XXIeme siècle (Dunod 1995)
[2] eBusiness Generation, les micros entreprises gagnent de l’argent sur Internet»
[3] http://www.associations.gouv.fr/1182-nouveaux-reperes-2012-sur-les.html