Faut-il encourager la thèse de la licence globale ? Comment la financer? D’ailleurs sont-ce là les bonnes questions ?!
Après tout, de quoi parle Hadopi ? D’assurer le règlement des droits des artistes les plus connus déjà en contrat avec des éditeurs et des producteurs installés ? Qui de toute façon font l’objet de toutes les attentions et que la loi devrait aider dans leur lutte contre les téléchargements pirates. Ne devrait-on pas abandonner l’idée d’une recherche style « annule et remplace » (une règle par un autre) qui mobilise une majorité de gens. Pascal Rogard, directeur général de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) s’agace dans son blog du côté concours Lépine envers ceux qui tentent de trouver des solutions alternatives aux dispositifs actuels de récupération et de gestion des droits d’auteurs face à la « démarque inconnue » due au piratage[1]. Philippe Aigrain, lui, fait partie de ceux qui défendent l’idée d’une licence globale qui assurerait une compensation financière pour des travailleurs, des journalistes, des auteurs ou des artistes qui s’échinent sur la rédaction de contenus y compris multimédias souvent mal payés[2] ? Ce qui lui vaut la résistance de ceux, les ayants droits les mieux lotis, qui ne veulent rien changer au système. Peut-on débloquer une telle situation ? Hadopi sera voté. Nous considérons que les élus, pris dans l’engrenage d’une démarche punitive, n’ont pas suffisamment exploré les solutions envisageables. Nous devons préparer l’étape suivante. Je ne suis pas certain que la solution soit de maintenir la loi Hadopi sous le feu des critiques. Elle s’écroulera ou s’amendera d’elle-même au fil des expériences. Que peut-on proposer ?
On arrête la bagarre et on regarde ailleurs ! Bon, voilà mon choix. Je suggère que l’on abandonne l’idée de vouloir remplacer l’actuel système – qui résiste, y compris pour de mauvaises raisons – pour créer un dispositif qui lui soit concurrent et complémentaire. Si les solutions alternatives fonctionnent, l’affaire se règlera d’elle-même, les ayants droits iront volontairement vers le système qui leur paraît le plus avantageux. Nous devons trouver un modèle économique qui traite les revenus des producteurs de contenus, des artistes et auteurs qui ne sont pas ou mal protégés. Je parle des producteurs de biens numériques en général, des créatifs de tous horizons qui tentent de gagner leur vie en fournissant à la masse laborieuse de quoi enchanter la leur et remplir leur cerveau ! Je parle aussi d’une presse qui cherche dans les services en ligne des revenus qui lui permette d’exister sans tendre la main à des subventions venues de l’Etat. Alors tentons une hypothèse de travail : Créer une taxe à la consommation des biens numériques communs soumis au copyleft, aux biens communs ! Comment !? En taxant les internautes au prorata de leur consommation. Une solution que je préfère à celle, tout à fait scandaleuse, consistant à faire supporter aux équipements terminaux et aux supports d’enregistrements un « droit à copie » qui n’est rien d’autre qu’une façon détournée de faire payer aux consommateurs « la démarque inconnue » dont souffrent les éditeurs. En cela, je rejoins, la thèse d’Olivier Bomsel (et de quelques autres) selon laquelle il faut faire bouger les lignes afin de faire payer les internautes au prorata de leur consommation[3]. On peut trouver ses positions parfois un peu extrêmes, mais il y a matière à réfléchir et à discuter. Que faut-il en retenir ?
Il faut savoir que les opérateurs de télécoms qui facturent aujourd’hui au forfait disposent d’un traçage très précis des quantités d’octets (l’équivalent de votre consommation de courant électrique) que consomment leurs abonnés. Vous pouvez le vérifier en allant visiter votre compte client chez votre hébergeur. Il vous indiquera combien vous avez consommé de « mégaoctets » depuis que vous êtes client et aussi au mois le mois. Bien évidement, il ne vous échappera pas que cette consommation (aujourd’hui forfaitisée) est d’autant plus importante que vous disposez ou non d’une offre Internet+TV+Téléphone, le fameux triple-play et que vous êtes en charge d’une petite famille très branchée ou d’une entreprise plus ou moins active sur la Toile. Il semble possible d’imaginer des paliers de consommation dont un tout premier rendrait encore plus économique l’accès à un service universel de base, le reste des autres paliers pouvant être forfaitisés en fonction de la consommation de mégaoctets comme cela fonctionne aujourd’hui pour les abonnés EDF. Du coup on paierait d’autant plus que l’on disposerait d’un service simple ou très complet et en fonction des quantités des consommations de «Mégaoctets » correspondantes. Une taxe spécifique sur la circulation des biens numériques serait alors prélevée au prorata de l’importance de ces paliers de consommation. Ces sommes représenteraient entre 1,5 et deux milliards d’euros si on compte une moyenne de 50 euros par an pour 30 millions d’internautes abonnés consommant au dessus d’un palier minimal. La taxe, plutôt que la licence globale, sur les biens numériques tombe sous le sens alors qu’explosent ces nouvelles formes de distribution des biens immatériels. Coté répartition des droits il existe des outils – inconnus du grand public- qui peuvent contrôler régulièrement l’état quantitatif des téléchargements selon les artistes. Ce ne sont, en réalité que des outils qui sont et seront utilisés pour surveiller les internautes. Sauf qu’au lieu de les utiliser pour surtaxer les gros consommateurs on les utilisent pour sanctionner ceux utiliseraient du Peer to Peer.
Biens immatériels produits et mis en ligne par une quantité croissante d’individus qui exigeront un jour ou l’autre de voir rémunérer leurs contributions. Ces revenus pourraient être reversés aux ayants droit. L’intérêt de cette formule est qu’elle s’applique selon la quantité des biens numériques consommés quelle qu’en soit l’origine. Je veux dire par là que si ces biens – qui comprennent des téléchargements de livres, de films ou de musiques- font l’objet d’un dumping fiscal ou tarifaire venus de l’étranger comme c’est souvent le cas, ils feront néanmoins l’objet d’une taxe qui alimentera les caisses des auteurs et des ayants droits ayant choisi ce mode de règlement. Faut-il souligner que le mécanisme projeté s’apparente à ce que voulait mettre en place le gouvernement avec la TVA sociale : prélever une taxe supplémentaire sur la consommation des « entrants ». Ici des biens numériques qui peuvent être importés de n’importe quel coin de notre planète numérique via Internet. Bien évidement on peut s’attendre à une levée de boucliers de ceux qui soulignent la difficulté de gérer la répartition auprès des ayants droit dont on devra s’interroger de savoir comment les identifier et gérer les droits pouvant leur être attribués. Sans doute y a-t-il là un champ pour la créativité afin de trouver une ou plusieurs hypothèses de travail. Nous y reviendrons car le sujet est complexe. Parmi les sujets de réflexion, je m’interroge notamment sur la notion de territorialité des droits à reverser lorsqu’il s’agit de taxes à la consommation des biens numériques. Ces taxes nationales devraient en toute logique rester réservées aux auteurs ressortissants français ou ayant leur résidence fiscale en France. Voilà une raison supplémentaire pour inventer un dispositif privilégiant nos producteurs nationaux de biens culturels et numériques et complétant la loi Hadopi sur les droits d’auteurs en voie d’être votée.
[1] http://www.rogard.blog.sacd.fr/
[2] http://paigrain.debatpublic.net/
[3] http://www.cerna.ensmp.fr/