L’entreprise du futur sera une co-entreprise, mieux… elle sera une fédération d’entreprises, c’est-à-dire un ensemble composite regroupé dans une méta-organisation. Ce ne sont plus des petites, des moyennes ou des grandes entreprises; ce sont des réseaux plus ou moins étendus d’entreprises de tailles pouvant être très différentes qui s’associent entre elles afin de faire des affaires et créer de la valeur. Laissons de côté l’idée romantique du créateur d’entreprise, solitaire et génial, ainsi que l’idée d’une entreprise universelle dont le modèle serait globalisant et mondial. Une multinationale n’est jamais qu’une addition de structures nationales. L’optimisation de la chaîne de la valeur par la subsidiarité a changé la règle : on prend le meilleur dans chaque maillon national et on ferme le reste. Si on n’est pas une multinationale, on construit sa chaîne de partenariats selon des règles similaires ; on va chercher des partenaires dans les pays capables de fournir les biens ou les services au meilleur coût/performance. Voilà pourquoi la fonction achat est devenue stratégique.
La régionalisation du maillon économique par le partage des tâches dans une même chaîne de la valeur constitue l’équivalent d’une entreprise virtuelle : ce sont des ensembles de sous ou de co-traitants qui sont mobilisés au gré des besoins. Par contre, dans un contexte d’internationalisation, la présence régionale d’un allié facilite souvent les affaires et les relations avec les locaux. Cette règle reste intangible quel que soit le mode de structuration. Les entreprises du futur restent ancrées dans le local, mais elles renforcent leurs capacités combinatoires en se constituant en grappes d’activités complémentaires pour former une méta-entreprise qui peut devenir internationale. Ces grappes seront, comme toute autre entreprise, plus ou moins intégrées dans des communautés virtuelles professionnelles. Elles pourront composer des réseaux d’affaires dédiés à des marchés ou travaillant sur des thèmes communs en matière de recherche & développement. Les entreprises seront moins des cellules isolées que des membres d’une méta-organisation constituée pour répondre à un ou plusieurs besoins spécifiques. Les petites et moyennes entreprises vont devenir lentement le modèle, mais aussi le maillon de référence de l’économie et des organisations » improbables « [i]. Les petites renforceront leur robustesse et réduiront leurs frais fixes. Les plus grosses s’allègeront en agissant sur leurs structures afin de les adapter à la nécessaire rapidité de mouvement. Ayant développé, grâce aux réseaux électroniques, une forte covalence avec leurs partenaires, les entreprises se recombineront quasi en permanence en conduisant une politique de coopération parfois très complexe. Le dirigeant du 21e siècle, de l’ère de la netéconomie, devra s’interroger en permanence sur les prochains avantages compétitifs qu’il pourrait gagner en s’associant avec d’autres organisations afin d’agir puissamment sur ses marchés. Partout dans le monde les partenariats pluridisciplinaires se multiplient parce qu’ils modifient positivement l’assiette économique de chacun des partenaires. Les télécommunications facilitent et favorisent ces regroupements tandis que les frontières entre organisations d’entreprises s’estompent. Grâce à l’effet de levier constitué par l’organisation en méta-entreprises, les managers disposent d’une capacité inouïe d’inventer des modèles socio-organisationnels originaux, parfois très différents des business models existant déjà. Facilitées par la virtualisation des organisations, des combinaisons imaginatives permettent d’élaborer de nouvelles configurations de la chaîne de la valeur de façon à optimiser les modèles économiques les plus variés. Dans les années à venir, pour créer des richesses, les entreprises devront s’adapter à des conditions extrêmes de variation de régimes de fonctionnement. Elles seront simples, robustes, adaptatives et agiles afin de disposer de fortes capacités combinatoires. Pour cela les entreprises en s’appuyant sur les réseaux techniques inventent de nouvelles structures, de nouvelles formes d’organisations destinées à des fonctions plus spécialisées, mais capables d’une très forte productivité de leurs interfaces respectives.