Traiter la surcharge d’information est un des défis à relever dans les entreprises et dans notre société. Face à la surproduction d’informations, nous sommes en train d’entrer dans un nouveau stade qui met en évidence le besoin d’évaluation de leur provenance, de leur pertinence. La consommation de l’information va passer par l’analyse de plus en plus critique des sources. Pour celles-ci, obtenir un label de qualité va sans doute être très envié. L’infosphère forme une bulle qui croît en même temps que se développent les réseaux d’ordinateurs dans le monde. Cette bulle constitue un espace virtuel où la pensée spéculative prend autant sinon plus de place que l’information scientifique, technique et économique. Des milliards de livres, des billions de pages, des téraoctets nous enferme dans une enveloppe numérique grandissant à une vitesse prodigieuse. C’est dire le vertige qui s’empare de ceux qui abordent pour la première fois ces rivages, insuffisamment préparés. Le risque est grand pour eux de n’obtenir que du bruit ou du « prêt à penser ». Après quelques heures de « surfing » ils se plaindront de ne rien de trouver d’intéressant sur Internet. D’autres au contraire y trouvent de grandes satisfactions. Selon un récent sondage mené par l’agence Reuters auprès de 1000 chefs d’entreprises à travers le monde, 53% avouent être friands de données et 54% ressentent un plaisir intense lorsqu’ils trouvent un renseignement utile sur Internet. Serons-nous des drogués de l’information ? La grande majorité des gens se déclare submergée par les données, par les informations. Un cadre reçoit dix fois plus d’informations qu’il y a dix ans. Dans le monde, l’enregistrement quotidien des seuls documents techniques se monte à près de 20 000 pages. Face à ce déluge d’informations, les utilisateurs ont du mal à distinguer l’essentiel de l’accessoire. Ils stressent. Plus du tiers des patrons interrogés par Britain’s Benchmarck Research déclarent souffrir de diverses pathologies liées à l’excès d’informations, certaines pouvant entraîner une interruption de travail.
Plutôt que de stress, le docteur David Lewis, chargé d’analyser les résultats de l’enquête, préfère parler « d’Information Fatigue Syndrome ». Pour ce dernier, « avoir trop d’informations peut-être aussi dangereux que d’en avoir trop peu. Cela peut paralyser les dirigeants dans leurs analyses, augmenter leur difficulté à trouver les bonnes solutions ou à prendre les bonnes décisions ». Parmi les managers, 73% pensent qu’ils ont besoin d’un « énorme volume » d’informations pour remplir correctement leur mission. Résultat : ils perdent goût à leur tâche principale (33% des sondés), ils sont tendus (33%), ils se laissent distraire de leurs relations personnelles (62%) et pire encore, ils repoussent toujours le moment où il faut décider, persuadés qu’ils n’ont pas toutes les données en main (43%). Plus de 40% des interviewés avaient la sensation que les décisions importantes étaient retardées et que leur capacité à faire des choix avait diminué. Pour les deux tiers le stress engendré par la surcharge d’informations a dégradé les relations personnelles avec leurs collègues et contribué à une baisse de leur satisfaction au travail. Ce phénomène se généralise. On croyait que l’information était réservée à l’élite de l’entreprise. Au contraire, maintenant elle arrose tout le monde. Le petit jeu du pouvoir aujourd’hui ne consiste plus à isoler l’individu de l’information mais à l’y noyer. Le nouveau déluge est électronique. Désormais le problème n’est pas de détenir des informations stratégiques. C’est de savoir qu’elles sont stratégiques. Le problème n’est plus d’être branché, c’est de savoir quand on reçoit une information pertinente.
La Lettre d’Eurotechnopolis Institut Nº 12 – Mars 1998 Denis Ettighoffer