L’économie de la planète numérique a pour première caractéristique d’être à l’origine d’un grand mouvement du libéralisme. J’entends par là qu’elle libère les énergies et rend possible des millions d’initiatives dont l’autoproduction sur la Toile est un exemple. Aller sur la Toile, c’est devenir acteur de sa vie numérique.

Une vie qui n’est pas que de loisirs si on songe aux formidables capacités économiques du cyberespace. La très grande majorité des modèles économiques sur Internet s’appuie sur l’esprit pionnier et d’aventure des plus audacieux pour en défricher les potentiels afin de s’enrichir. L’arrivée de ces entrepreneurs sur la planète numérique aura permis de créer des millions d’emplois. Contournant la chose bureaucratique, c’est un monde de la prise d’initiative, du travail indépendant, de la recherche volontaire d’informations ou d’innovations. Déstocker des chaussures, lancer des idées de promotions par téléchargements de démonstrateurs, organiser sa comptabilité sur un bureau virtuel, des millions d’initiatives ont été constatés partout, autant de services en ligne innovants. Ils contournent les inerties des marchés locaux, des instances administratives ou politiques obsolètes qui découragent toutes initiatives en faisant appel à des solidarités professionnelles qui expliquent comment résoudre un problème ou un autre. Les migrants de la planète numérique ont pour point commun de vouloir librement utiliser ses potentiels. Les raisons sont multiples, bénéficier de l’autonomie offerte par la Toile pour se désenclaver des territoires historiques, pour se libérer de certaines contraintes sociales, économique et culturelles. L’internaute avec le self employment (ou auto-entrepreneur) devient un adepte de l’économie libérale, de la transaction ou de la relation choisie et non plus imposée. Si de multiples individus y ont trouvé de quoi améliorer leur train de vie, d’autres y trouve des réponses utiles à de multiples préoccupations sociales, professionnelles, philosophiques culturelles ou sentimentales. Internet est peut être un monde qui doit se policer mais cela reste un lieu où on se sent libre de naviguer et de découvrir à son aise des êtres distants mais passionnants que peut être on ne rencontrera jamais physiquement. Les frontières confessionnelles, économiques, sociales s’effacent au bénéfice d’une curiosité qui relient indifféremment riches et pauvres, lettrés et ignares. Sur cette planète, c’est la prise d’initiative qui fait le succès. C’est l’audace dans les idées et les services qui apportent des récompenses monétaires ou pas. L’expansion n’y est pas dictée par des apparatchiks, la hauteur des émoluments par la durée du travail, l’âge de la retraite par des syndicats, les choses à savoir ou pas par des entreprises privées. Le sentiment d’appartenir à une communauté plus qu’à une classe sociale constitue une vision renouvelée de son engagement social mais aussi l’occasion de faire des économies ou de trouver des revenus complémentaires et des rencontres sociales et solidaires d’un nouveau type. Voilà pour les généralités.

Mais s’est aussi un monde où la plupart des internautes trouve une économie coopérative capable de s’affranchir des excès du capitalisme livrant les hommes et leurs familles aux lois du marché et celles des mêmes livrés à l’arbitraire du dirigisme collectiviste. L’horreur dans tous les cas. Les publications sur l’économie de la connaissance circulent un peu partout dans le monde. Toutes mettent à un moment ou à une autre le fait que les activités intéressant de près ou de loin les échanges de connaissances dépendent de la participation volontaire des internautes en général. _wsb_668x368_metaversLes résidents de Netbrain, la planète des savoirs partagés, sont des coopérateurs par essence. Cette économie de la connaissance en devenir encourage aux coopérations altruistes et aux solidarités choisies et non contraintes. Elle est démocratique en cela qu’elle irrigue de ses savoirs, de ses services et de ses capacités toutes les couches de la société mondiale sans exceptions. Elle est un instrument de régulation des sociétés modernes. Car les modèles coopératifs sont une réponse historique à des marchés à faible intensité économique. C’est la solution des « pauvres », celle de la faible intensité capitalistique, c’est sans doute la raison pour laquelle la « coop » n’a pas trop la côte. Ça fait ringard. Ça renvoie à un passé d’ouvriérisme militant plus qu’à une idée brillante d’organisation de l’offre et de la demande capable de faire vivre de micros marchés. C’est un monde du lien social et économique éco-efficient. C’est dire l’importance à accorder à la culture du don et du lien dans les organisations. Une posture qui non seulement favorisera les échanges d’expériences et de savoirs mais en plus contribuera à renforcer les liens qui unissent toutes communautés ; le sens d’un objectif commun et une confiance réciproque dans le groupe. Aussi, craindre la libéralisation des échanges des savoirs et des idées comme cela a été le cas pour les échanges marchandises, c’est se condamner à la mort économique. Non, la seule façon de continuer notre développement tient à notre capacité collective à nous glisser dans de nouveaux modèles sociaux économiques, en inventant de nouveaux scénarios, de nouveaux modèles économiques, de nouveaux projets, tout en tenant compte de leurs inconvénients, de leurs dangers spécifiques. Sur la Toile on peut voir le libéralisme, c’est à dire les « forces des marchés » autrement que par l’idéologie. On peut les utiliser. Cela donne lieu à des idées originales comme celle de ce cinéaste canadien Gregory Colbert, auteur d’un salon nomade «Ashes and snow» (Cendres et neige). Une œuvre magnifique d’un photographe inspiré[1]. Il a créé une fondation pour prélever un modeste droit d’auteur sur toute publicité mettant en scène des animaux sur le web. Ce prélèvement de 1 % servira à financer les projets de conservation des animaux dans le monde. Un label Animal Copyright distinguera les produits respectant le droit d’auteur, ce qui devrait inciter les consommateurs à les préférer à d’autres[2].  Pour sa part Google offre aux sites aux thématiques les plus visités la possibilité de toucher quelques revenus de sa régie de liens publicitaire « Google « Adsens » ». Les sommes en jeu sont de petites rivières qui peuvent devenir importantes. Mises au service des populations des pays pauvres, ces sommes peuvent atteindre des montants considérables. Nous pourrions proposer à quelques sites privés ou publics que les revenus recueillis par un système comparables soient affectés aux ONG reconnues qui participent à réduire la facture numérique dans le monde. C’est une invitation à modifier notre posture vis à vis de la libéralisation de l’économie des biens numériques. Voyez le lancement de fondation toute récente de Google. Elle disposait en 2007 d’un premier budget de 90 millions de dollars. Elle compte soutenir des organisations qui pratiquent la solidarité citoyenne par exemple en favorisant leur montée dans les moteurs de recherches pour les faire mieux connaître. Selon les fondateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page, « Nous espérons qu’un jour cette entité éclipsera Google lui-même en terme d’impact global, en apportant des ressources significatives et des réponses innovantes aux problèmes cruciaux auxquels le monde doit faire face« .  Cette fondation compte  se focaliser sur la pauvreté dans le monde. Google compte également investir 175 millions de dollars dans des structures « socialement progressistes » a déclaré Sheryl Sandberg, vice présidente de Google. Pour Google, une façon de contrecarrer la pauvreté consiste à offrir de la culture et des connaissances. A ce titre, la fondation s’intéresse à la constitution des bibliothèques virtuelles multimédias dans la monde. L’utilisation des immenses capacités de ses datacenters associée à ses moteurs de traitement de pages en font un acteur essentiel des applications collectives du libre échange des savoirs. Il ya avait deux façons de réagir à cette idée. La première consistait à hurler au « pillage ». La seconde de négocier un partenariat et un « droit de péage » susceptible d’avoir des retombées pour les auteurs et la production immatérielle française. Devinez laquelle a été choisit ?


[1] http://www.ashesandsnow.org/en/exhibition/

[2] The Economist, 11/3/2006

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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