L’approche économique traditionnelle n’appréhende et ne cerne pas correctement les multiples métamorphoses dont elle fait l’objet sous l’influence des réseaux systémiques. Si une enquête de 1996 de l’INSEE montre que 80% des entreprises industrielles sont organisées en réseaux de partenaires, il est très difficile de cerner précisément avec les instruments statistiques habituels les effets économiques des réseaux sur les investissements immatériels, sur la productivité du travail de plus en plus intellectuel. Que dire lorsqu’il s’agit de transactions informelles et dans le secteur des services en plus !? La netéconomie reste encore une économie mystérieuse. On sait par exemple que l’usage des réseaux peut procurer globalement plus de profit indirect que direct. On note ainsi ce paradoxe qui fait que la rentabilité traditionnelle d’un réseau quelconque peut ne pas être satisfaisante alors que ses retombées économiques indirectes sont largement bénéfiques pour les régions qu’il dessert. Pourquoi ?! Parce que la vision classique  de l’économie ne tient pas compte de la fertilisation économique induite due aux réseaux. On observera ce dilemme en œuvre lorsque la Cour des Comptes française posera la question de la rentabilité de Télétel. En effet si la rentabilité directe n’est pas encore là pour l’opérateur, les retombées indirectes sur l’économie justifiaient largement les investissements consentis[1].

D’entrée de jeu, deux paradoxes économiques s’affrontent : celui, classique en économie, du transporteur arguant de ses coûts et des insuffisances du marché local pour refuser de lancer ou de continuer l’exploitation d’un réseau et celui, plus difficile à cerner, de la netéconomie, consistant à considérer que la fertilisation économique du marché local due aux réseaux reste largement bénéficiaire. C’est dire les dégâts collatéraux que peuvent occasionner une vision réductrice de l’économie collaborative. Du point de vue de l’économie classique, il reste difficile de délimiter et de quantifier l’importance de ces retombées. Voilà pourquoi on lui a donné le joli nom « d’économie d’atmosphère » : l’économie immatérielle comme la physique nucléaire a ses forces faibles : je leur ai donné le nom d’économie de faible intensité. Au final on constate que les réseaux d’ordinateurs agissent de deux façons fondamentales sur les entreprises et l’économie en général. La première en optimisant l’utilisation des actifs corporels, matériels des organisations, démarche qui nous est familière. La seconde en optimisant l’utilisation des actifs incorporels, le capital immatériel : les savoirs, faisant appel à des mécanismes économiques qui nous échappent encore. Vis à vis de l’économie traditionnelle, les réseaux peuvent accroître la productivité classique (meilleure utilisation du capital et du travail) ; améliorer la flexibilité et la qualité de la réponse à la demande ; favoriser la qualité de la coordination et l’utilisation de l’intelligence collective dans la performance des process. Dans la netéconomie, les réseaux stimulent l’innovation en ouvrant des nouveaux types de circulation et d’échange de l’information. Ils offrent de nouveaux moyens de collecter et d’analyser l’information et par conséquent de faire avancer les connaissances fondamentales. Ils modifient les modes de création de valeur, de richesses en permettant de nouvelles façons d’envisager la division du travail et le développement économique s’appuyant désormais sur des savoirs faire. Dans les deux cas, la netéconomie implique une attitude d’ouverture vers l’extérieur, le désir de coopérer avec d’autres partenaires et entreprises, de rencontrer d’autres hommes, de se frotter à des idées différentes : exactement l’inverse des comportements profonds de réserve et de méfiance qui nous ont été inculqué depuis des millénaires. L’ECO domine l’EGO !

[1] Voir l’Entreprise Virtuelle, Denis Ettighoffer, Odile Jacob, Paris 92, page 267

Précédent

Comment faire bouger ces irréductibles gaulois ?

Suivant

Autour d'Entreprise virtuelle & nouveaux modes TW

A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

douze + 15 =

Voir aussi

1 × deux =