Octobre 2043. Monsieur Michel – ce n’est pas son vrai nom – ne s’attendait pas à la mésaventure qu’il vient de vivre. Cet habitant de la région parisienne a chèrement payé sa Troglo ! Cédant à la mode des maisons troglodytes et désireux de s’adapter aux terribles chaleurs de l’été, il a décidé de construire lui-même son « abri souterrain » durant l’été. Il a patiemment creusé sur son terrain l’équivalent d’une grande piscine recouvert d’un toit en gazon pour en faire un immense salon maçonné, équipé, meublé confortablement, correctement éclairé et ventilé lui offrant ainsi, à lui et sa petite famille, une fraicheur incomparable en pleine canicule. A l’automne de la même année, les pluies diluviennes n’ont eu aucune difficulté à inonder ce sous-sol. Notre entrepreneur en herbe a ainsi découvert un matin son salon troglodyte transformé en piscine souterraine. Il en avait une image saisissante car l’éclairage fonctionnait encore.

« Le soleil ne bronze plus, il vous transforme en saucisse de barbecue. Il ne vous chauffe pas, il brule. Éblouissant, très vite, il est blessant pour les yeux. On l’évite. Ce qui explique pourquoi l’architecture urbaine développe partout des auvents et des galeries qui mettent à l’ombre comme à l’abri des fortes pluies la majorité des boutiques », m’écrit un ami. Les pays autrefois tempérés ont dû adopter des modifications importantes de leurs habitats afin de s’adapter à des canicules féroces pour l’organisme. Un peu partout on constate que les villes encouragent la mise en place d’auvents et de protections solaires.

L’engouement pour les maisons souterraines fait souvent référence aux maisons semi enterrées connues en Tunisie, au Maroc et au sud de l’Espagne, où existent de nombreuses maisons troglodytes[1]. Nombreux sont ceux à leur trouver un certain charme. Les habitats troglodytes ont la côte chez les écologistes qui y voient une solution pour limiter leur consommation d’énergie avec l’avantage d’offrir une température plus fraiche durant les saisons les plus chaudes. Mais en réalité, les grands projets de centre d’affaires et de commerces enterrés qui se développent en Europe sont surtout à l’image des centres que connaissent bien les Canadiens[2] et les Américains du Nord qui circulent dans de grandes galeries souterraines afin de ne pas sortir dans le froid glacial de l’hiver ou différemment les villes qui veulent résister aux températures extrêmes, à l’exemple de la ville souterraine de Coober Pedy, dans l’outback Australien. Helsinki, la capitale finlandaise utilise son espace souterrain depuis les années 1920. La ville compte déjà plus d’une centaine de lieux de loisirs sous terre : piscines, centres commerciaux, patinoire et même une cathédrale ! Moscou, comme New-York multiplient leurs projets d’activités enterrés. En Amérique du Nord, des condominiums semi ou totalement enterrés se construisent un peu partout dans le Colorado, en Arizona ou en Californie afin de résister aux vents et à la canicule.

Pourtant pas question d’envisager un retour aux charmes supposés des anciennes habitations de nos ancêtres. Si l’habitat et la circulation collectives troglodytes sont des solutions intéressantes face aux extrêmes climatiques, ils posent de véritables défis aux architectes. Ils doivent faire face à de nouveaux problèmes comme l’humidité, les évacuations des eaux usées, les ventilations, la nature des sols et des effets des circulations souterraines des eaux qui peuvent rendre l’habitat vite insalubre. Certains propriétaires se sont vus rappeler que les habitats souterrains dans des terrains argileux étaient piégeux.

En fait, on constate un peu partout que beaucoup de constructions pour les particuliers sont plutôt semi enterrées pour être protégées des conditions climatiques pénibles pour les organismes humains, comme en Islande[3], tout en continuant à profiter de la lumière. Mais l’engouement constaté envers les « dug-outs », dont le coût de la construction est divisé par 5 comparé à une construction classique, se heurte à la rareté des terrains en milieu péri-urbain. Si des architectes tentent de réinventer tout un pan des architectures anciennes pour nous éviter la mésaventure de « Monsieur Michel », la tendance actuelle concerne surtout les grands projets de villes artificielles et souterraines, les « Deep City » qui fleurissent partout dans le monde afin de faire face à une nature de plus en plus agressive.

Denis Ettighoffer – Aout 2043

[1] Il existe de très nombreux sites d’habitats troglodytes (ou dug-outs) dans le monde

[2] A Montréal, le réseau souterrain reliant services, bureaux et commerces, fréquenté par près de 183 millions de personnes chaque année, couvre 32 kilomètres de tunnels piétonniers.

[3] https://www.pinterest.it/pin/230598443394909768/

Précédent

La dépersonnalisation ou la « perte du Moi »

Suivant

La vie d’après ? Sobriété générale !

A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

quatre × deux =

Voir aussi

8 + 5 =