numériser editionsEn général, le débat sur la valorisation des contenus numériques sur Internet est marqué par l’actualité des défis auxquels doivent faire face les métiers du multimédia. Le monde de l’édition, en première ligne face à la numérisation, explore de nombreux modèles d’affaires pour adapter son marketing/mixte aux évolutions techniques et aux demandes des marchés. Outre les économies considérables réalisées avec la numérisation, les éditeurs peuvent désormais augmenter leur notoriété de façon spectaculaire par la diffusion et donc le nombre de biens numériques vendus. Mais ce serait prendre le problème par le « petit bout de la lorgnette » que de considérer la valorisation des contenus spécifique au monde de l’édition. Je souhaite « ramener la balle au centre » (c’est de saison !) en revenant au problème de la création de valeur des contenus en général. Comment comprendre cela ? La seule production française d’information représentait, en 2003, entre 90 et 120 téraoctets d’archivage électronique, alors que la production mondiale de documents valait 3700 fois la distance Terre Lune. En 2010, les échanges de courrier électronique représentent 85 milliards de mails par jour. Ces contenus, qui représentent un fabuleux capital immatériel, sont dilués, d’où le paradoxe de Gemini: Pléthore des données et pauvreté des moyens d’accès et d’interprétation.

De l’information statistique à l’information marchande. Le problème global de la valorisation des contenus concerne tout le monde à une époque où, peu ou prou, les individus, les entreprises, les administrations sont des émetteurs de contenus : 90% de ce que l’on trouve sur la Toile est le fait des internautes. Avant de devenir réellement stratégique, l’information va dans un premier temps rester une marchandise d’ordre statistique et économique. En 1986, sur les 2450 banques de données existantes dans le monde, 1800 étaient américaines, 500 européennes dont 250 françaises. La défense des bases de données est, elle aussi, difficile.En 1986, la Communauté Européenne en produit moins de 30%. Dés le milieu des années 80, le marché américain, apparemment plus sensible à l’intérêt stratégique de l’information, représente près de six milliards de dollars de chiffre d’affaires fournis majoritairement par le secteur privé (83%). Les américains apprennent vite à valoriser l’information brute. La taille de leur marché, le maillage intense de leurs réseaux d’entreprises et d’universités contribuent incontestablement au succès de la vente des bases de données américaines. C’est exactement ce que fit la firme NDS (National Decisions System) avec les informations collectées par le bureau du recensement en 1980. A partir de résultats bruts et d’un programme informatique original, elle en fît une série d’ouvrages professionnels à succès pour les études marketing. La divergence des politiques de développement de la valorisation des contenus est flagrante avec la CEE ; les uns, comme la France jouant sur les trafics, les autres comme les américains sur des services à valeur ajoutée. Une observation, hélas, encore valable aujourd’hui.

intelligence dataminingL’information devient stratégique : C’est le début de « l’Intelligence Business ». « Il existe aux Etats-Unis, raconte Alvin Tofler, un réseau qui relie certains professionnels de la confection, informant quasi-instantanément les fabricants de tissus et les magasins de vêtements. Vue la vitesse à laquelle les modèles se démodent, un tel réseau a permis d’alléger au maximum les stocks, d’affiner le réglage des réassorts et d’augmenter le profit de ses membres de 25%. Finalement, c’est lui qui détient le pouvoir. En d’autres termes, des réseaux intelligents participent à la création de valeur d’un ensemble d’informations. Être informé en « juste à temps », au plus vite, devient un must qui peut rapporter gros comme le savent bien les traders de la Bourse. Poussés par de multiples motifs, dont l’intérêt financier n’est pas le moindre, quelques petits malins, en pillant ou en utilisant parfois astucieusement des données mal protégées, vont contribuer à la prise de conscience de la valeur des bases d’informations dans les entreprises. Savoir quels brevets dépose un compétiteur peut éviter des investissements d’études inopportuns ou redondants, ou réduire le coût d’un projet de recherche de 10 % à 50 %, selon une étude interne réalisée chez Thomson CSF. Ne pas acheter un brevet obsolète, noter une percée technologique qui modifie des méthodes de production, surveiller les recherches des concurrents ou l’évolution d’un marché spécifique représentent des dépenses importantes en matière de veille stratégique. François Périgot, alors président du CNPF note que, « les Japonais consomment 100 fois plus d’informations professionnelles que les Français« . Il a parfaitement raison. Être informé. Tel est le credo de la veille stratégique, commerciale, industrielle et technique. Il le faut pour gagner face à une innovation permanente… et pertinente! Pour tout client de Mitsui, l’information concernant les marchés est déterminante pour le succès des affaires. Pour animer ce réseau de veille stratégique, la division spéciale de Mitsui pour le développement technologique comprend une centaine de spécialistes qui sont en rapport constant avec les centres de recherches les plus prestigieux du monde. Mitsui dispose d’un réseau international efficace qui est composé de satellites et de canaux de courriers électroniques privés, de systèmes informatisés de stockage d’informations, qui transmet et traite continuellement des données, telles que les cours des marchandises, les taux de change, des analyses sur l’état du marché mondial. C’est ainsi qu’en fonction de l’évolution du cours du brut, un tanker parti pour un port pourra être dérouté vers un autre où l’attend pour une meilleure affaire.

La situation actuelle : Myopie sur les enjeux de la valorisation de l’information. Le problème du traitement et de la valorisation des contenus a changé de dimension alors que l’on considère que la taille du Web invisible est de 500 fois supérieure au Web visible ! Explorer, identifier et tirer le meilleur parti de cette masse d’information ne peut s’envisager qu’avec des outils spéciaux. Si Google est utilisé par 90% des internautes, il existe environ 500 000 moteurs de recherches dont une partie capable d’explorer le web profond. L’exploitation des contenus est désormais marquée par la préoccupation constante de comprendre avant tout le monde afin d’anticiper les événements à venir ! Ainsi, Ils doivent au plus tôt savoir si les conditions qui pourraient affecter les exploitations agricoles du pays, retarder les récoltes, réduire les réserves et faire flamber les cours. toutes les activités de la bourse de Chicago dépendent de la qualité des prédictions du système informatique des services de Weather National Services. predictive-analyticsPrévoir un hiver rude, c’est anticiper l’organisation de la distribution de gaz naturel, prévoir les besoins de raffinage, déployer les équipements dans les stations de skis. En France, Matchexpert utilise la logique floue pour « profiler » un prospect et établir des probabilités sur divers sujets dont les courses. Différemment, CATCH (Computer Aided Tracking and Characterization of Homicides) est un système qui utilise la logique flou et qui est capable de factoriser des éléments d’affaires élucidées à comparer avec des cas non encore résolus, mais aussi d’établir des profils de suspects. Une exploration des informations disponibles qu’aucun humain ne pourrait prendre en charge. La question n’est plus d’être informé, mais d’obtenir les bonnes informations, un problème auquel se confronte des entreprises spécialisées comme RSD ou des laboratoires de R&D comme Lingway qui, sous la houlette de son président Bernard Normier, spécialiste du Traitement Automatique de la Langue et membre du Groupe de Travail « Intelligence économique et économie de la connaissance », participe au Programme Technolangue au Ministère de la Recherche. On peut citer encore le travail du Docteur Abderrafih Lehmam spécialiste de la linguistique informatique et Directeur Général de la Sté Pertinence Mining, qui tente, depuis des années, et avec de faibles moyens, de faire  connaître ses travaux et ses applications. L’exploitation des contenus (on pourrait aussi dire l’espionnage) et leur valorisation ne concernera pas que les textes numérisés, mais des millions de produits multimédia qui circulent sur la Toile. Les outils et logiciels d’assistance au prédictif et à la valorisation des contenus deviennent une nécessité. L’ingénierie correspondante va poursuivre une progression fulgurante qui représente des enjeux économiques considérables. La France peut s’y placer en « pôle position » compte tenu de la qualité de ses écoles et de sa R&D en mathématiques avancées. Le problème, ici comme ailleurs, c’est que notre « R » reste de qualité mais que nous manquons du « D » pour en assurer le développement. On ne peut qu’espérer voir le plan d’investissements pour le développement de l’économie numérique ne pas passer à côté de cette opportunité alors que la notoriété du «moteur de recherche européen» Quaero reste aussi faible que l’écho des boites noires perdues dans l’océan Atlantique.

Pour en savoir plus :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_math%C3%A9matique

http://www.microsoft.com/belux/fr/business/businessvalue/predictfuture.mspx

http://www.decideo.fr/Une-etude-revele-que-les-societes-dotees-d-outils-d-analyse-predictive-ont-de-meilleurs-resultats-financiers_a3648.html

Le nombre de pages Web ne cesse d’augmenter et ce à une vitesse vertigineuse. Les pages visibles par les moteurs de recherche du grand public ne couvrent pas 0,25% du total des pages web disponibles. On considère que l’on accède à 1,5 milliards de pages contre 800 milliards qui restent cachées31. Selon les sources, l’humanité au travail sur le web créée entre un million et 7 millions de pages nouvelles par jour. A ce rythme le nombre de pages sur la toile double tous les ans. Selon Pierre Paperon, ancien président d’Alta Vista Europe, le nombre de pages visibles en 2010 dépassera les mille milliards. Pour se retrouver dans cette immense botte de paille virtuelle, les moteurs les plus vaillants (entre 100 et 200 recensés pour une vingtaine de métamoteurs) ont du mal à s’en sortir. Actuellement les plus importants indexent 800 millions de pages. Ils seront de plus en plus spécialisés et pointus. Le «surfing» va devenir une activité qui nécessitera une excellente expertise pour accéder aux informations, aux groupes de savoirs les plus intéressants. D’autant que ces derniers sont et seront de plus en plus opaques afin de ne pas être pollués et « piratés » par des concurrents. En refusant une formation considérée comme inutile, vous pourrez éviter ainsi que vos troupes n’accèdent à des réseaux de connaissances pour capter des savoirs à haute valeur ajoutée.
Source exalead –  08/2001www.abondance.com /cyveillance/ Sciences et Vie/ Pour la Science.
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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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