Le camarade Vladimir Poutine, ami des affairistes et ennemi des peuples, est entré dans l’Histoire. Il a envoyé à la mort des milliers de ses contemporains. Il a détruit des milliers d’emplois, appauvri le peuple russe, réduit à néant d’immenses ressources financières, tout ça pour massacrer des Ukrainiens qui avaient en grande majorité des affinités avec la nation russe. Tous étaient très majoritairement des chrétiens orthodoxes.

Peut-être l’a-t-on oublié mais durant des siècles l’empire des Tsars – La Russie blanche – protégea les pays chrétiens des visées hégémoniques des Turcs. N’oublions pas que la Maison Romanov était de religion orthodoxe. Elle a toujours cherché à affaiblir son voisin musulman, l’Empire ottoman. La neuvième guerre russo-turque s’est déroulée de 1826 à 1829 lorsque la Russie décida de protéger les Grecs, chrétiens orthodoxes en révolte contre les Turcs. Quelques années plus tard, en 1832, la Russie interviendra à nouveau. Les conflits entre les deux nations étaient fréquents. Plus tard ce fut le refus des Russes d’évacuer la Moldavie et la Valachie mi-musulmanes, mi-chrétiennes. Toute la façade ouest de la Russie de Poutine est majoritairement chrétienne orthodoxe.

En s’attaquant à la population ukrainienne, Poutine a fait une terrible erreur. Pour des générations, il a brisé toute possibilité de voir se réaliser une vision existentielle de la Russie. Une vision « pan-européenne et chrétienne » intégrée à la marche des nations démocratiques. Le voilà obligé de parier sur le flanc Est de son empire. Un flanc majoritairement composé d’ethnies et de religions hostiles son régime. Moscou est littéralement envahi par des Tchétchènes le plus souvent originaires de la région caucasienne de Kabardino-Balkarie à la frontière de l’Ingouchie et de l’Ossétie du Nord. Des travailleurs émigrés dont certains fuient les milices chrétiennes connues pour leur cruauté. Opposants et musulmans tombés entre leurs mains sont torturés. On rase la tête des musulmans pour leur dessiner une croix sur le crâne. Les Russes se sentent menacés par les Tatars musulmans, parfois fondamentalistes, qui n’hésitent pas à vandaliser les croix orthodoxes des cimetières. Les conflits religieux, entre catholiques, orthodoxes et musulmans, soigneusement étouffés par le pouvoir central, sont une réalité quotidienne.

Craignant le prosélytisme musulman, les russes européens ont tenté de contrer l’influence croissante de l’Islam en finançant à tour de bras l’église orthodoxe, sans trop de résultats, les archidiacres n’ayant visiblement pas le goût du risque. Sur la défensive « les russes européens » ce sont alors rapprochés des nationalistes afin de se défendre des bastions hypothétiques ce qui n’est pas sans rappeler les résistances des blancs américains aux Latinos. La psychose n’épargne personne. La guerre en Ukraine sert d’exécutoire.

Le contexte social et économique de la Fédération s’y prête, les aides sociales étant réduites à une portion plus que congrue. Minée de l’intérieur, affaiblie par les mafias, la dénatalité, la poussée de l’intégrisme musulman et devant faire face à la montée en puissance des nations eurasiennes, la Russie moderne est désormais confrontée au radicalisme religieux. Un peu partout sur les territoires de l’ex URSS, des pays comme la Tchétchénie ou le Daguestan renforcent leurs institutions de droit islamique. Au MVD et au FSB on n’ignore rien des projets des salafistes pour créer un califat en Russie. Des associations de musulmans n’hésitent pas à braver le pouvoir en affirmant vouloir faire de l’Islam l’avenir de la Russie. Plus de 7 000 combattants de la Fédération ont rejoint Daech qui vient encore de se manifester.

Les populations des oblasts limitrophes, désœuvrées, abandonnées, en révolte, se tournent vers la religion musulmane présentée comme le seul moyen de faire bouger les lignes politiques et économiques d’une nation « sans Dieu » donc sans morale où le puissant écrase et dévore tout. Au sud, non loin de Sotchi, des régions s’agitent depuis des années sapant progressivement l’autorité de Moscou. D’ailleurs les menaces de Daech s’adressent désormais à la Russie depuis son engagement en Syrie. Des associations de musulmans n’hésitent pas à braver le pouvoir en affirmant « La Russie assassine l’Islam »[1].

Les oligarchies au pouvoir qui apprécient tant les modes de vie à l’Européenne sont confrontées à un problème qu’elles ne pourront pas sous-estimer encore longtemps : la dangereuse propagation de l’autorité de la religion islamique. Celle-ci se présente désormais comme une autorité suprême capable de contenir les dérives des autocrates du Kremlin. C’est une façon de gagner en légitimité auprès de populations qui se sentent abandonnées par le pouvoir central. Ainsi la religion musulmane fait irruption dans le paysage social russe bien au-delà de son champ traditionnel. En d’autres termes, la religion utilise l’idéologie politique pour justifier sa résistance aux dérèglements d’une société rongée par tous les trafics de la voyouserie et du brigandage, tout en utilisant les mêmes procédés.

En effet ces trafics ne peuvent se développer qu’avec la complicité des mafias régionales qui gangrènent toute la société russe faute d’un État juridiquement structuré. Aussi assistons-nous à une multiplication d’alliances de circonstance entre les gangs et les extrémistes religieux. Elles contribuent, de l’intérieur, à l’affaiblissement et au déclin de la Russie en utilisant à leur profit les tensions religieuses. L’attentat de Moscou du vendredi 22 mars en est malheureusement un bon exemple.

Poutine n’a pas mesuré l’importance de l’influence des mafias musulmanes qui utilisent la religion comme arme de guerre interne. Il assure son autorité sur l’ensemble de l’appareil d’Etat, garde ses distances avec Israël, reprend langue avec l’Iran, ménage Daech avec lequel il a des relations troubles ainsi qu’avec quelques-uns des Etats de la Fédération russe majoritairement musulmans. De son côté Erdogan joue sur le fait que Poutine libère un espace géopolitique propice à ses menées dans sa politique anti-occidentale en soutien à la foi musulmane. D’ailleurs actuellement, pour se garantir les bonnes grâces des Russes, il ne cesse de donner des gages au Kremlin en limitant sournoisement son engagement au sein de l’OTAN pendant que la Russie s’épuise humainement et économiquement dans ces conflits incessants risquant de se mettre dans les mains de la Chine et de ses alliés, des amis qui ne lui veulent pas que du bien.

Si nous devions arriver à une conclusion quelle serait-elle aujourd’hui ? Dans sa vision hégémonique d’une « grande Russie » sur la base des conquêtes de l’ex URSS, Poutine crée une véritable rupture avec l’Occident chrétien[2] en sous estimant les effets de son isolement. Ses alliés et les pays membres de la confédération vont chercher à s’émanciper, ne serait-ce que pour échapper à la conscription, au financement d’une guerre qui leur parait inutile et parce que leur développement ne dépend plus du pouvoir central. Finalement, durant son règne, Poutine aura plus fait pour détruire son idéal existentiel d’une grande Russie que tous ses prédécesseurs.

Du côté occidental, paradoxalement, nos diplomates semblent eux aussi négliger le fait que la « Russie blanche » est, depuis des siècles mais pour combien de temps encore, le tout premier rempart contre l’activisme religieux des fous d’Allah venus de l’Est.

Pour en savoir plus : https://shs.hal.science/halshs-02618555v1/document

[1] Erdogan l’a bien compris qui l’utilise comme arme d’influence. L’Islam y devient un bouclier politique, laissant accroire qu’il protège ses ressortissants alors qu’il ne fait que les enfermer dans un Etat soumis à l’idéologie religieuse comme c’est le cas en Iran.

[2] https://www.cairn.info/la-grande-histoire-du-christianisme–9782361065218-page-97.htm

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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