En 1998, imposer une réduction autoritaire à 35 heures n’était pas indiqué. Il fallait agir en souplesse et par la négociation compte tenu de la dérégulation croissante des temps de travail qui affecte plus de la moitié de la population active. On ne pouvait intervenir isolément sur le temps de travail de l’individu sans prendre en compte les conséquences sur l’économie de l’entreprise et de fil en aiguille, de la société. Aujourd’hui, il convient de « remettre l’ouvrage sur le métier ».

En 2018, le temps plein est en diminution partout. Dans plusieurs pays européens le sujet est d’actualité depuis longtemps afin de concilier qualité de vie au travail et efficacité globale. Les Pays Bas pratiquent la flexibilité maximum en laissant la plupart des salariés travailler entre 30 et 15 heures par semaine. Une bonne part a choisi de travailler 30 heures en quatre jours. Apparemment un bon rythme si on en croit une étude australienne, pour qui travailler entre 25 et 30 heures par semaine serait le rythme idéal pour qu’une personne de 40 ans travaille de façon optimale. En revanche, dépasser cette durée réduirait ses capacités intellectuelles et sa mémoire[1]. De son coté, John Ashton, président de la faculté de santé publique du Royaume-Uni (Faculty of Public Health), estime que la semaine de cinq jours doit être supprimée afin d’améliorer à terme une distribution du travail, qui nuit actuellement à la santé des travailleurs : « Le problème est qu’une partie de la population travaille trop dur et l’autre n’a pas de travail », précise-t-il en préconisant de faire de la semaine de quatre jours la norme en Europe. Ce dernier retrouve les arguments d’un des pionniers du concept à savoir, Pierre Larrouturou qui marquait sa préférence aux 35 heures sur quatre jours, pensant lui aussi à une nouvelle répartition de la charge de travail. Au-delà des quatre jours les entreprises n’auront pas d’autres choix que d’embaucher, pensait-il, si elles veulent continuer leurs activités toute la semaine, week-end compris.

Modifier les temps des acteurs socioéconomiques nécessitait une approche, une ingénierie globale qui tiendrait compte des « externalités positives et négatives » supportées par la société. Diminution des effets du stress sur la santé et ses conséquences économiques pour la nation. Réduction du coût du chômage suite aux embauches d’effectifs par celles des entreprises qui souhaitent fonctionner au-delà des quatre jours. Réduction encore des couts pour celles des entreprises qui n’ont pas un carnet de commande suffisamment chargé pour aller au-delà des quatre jours. Amélioration des revenus des retraités souhaitant travailler à temps partiel. Contrairement aux espérances l’augmentation considérable des différents modes de travail n’a guère eut d’effet sur la réduction des migrations pendulaires imposées aux uns et aux autres. On comptait sur le télétravail et la téléprésence dont on espérait des économies de coûts et d’énergie. Mais ils jouent un rôle très marginal dans les économies de transport compte tenu de l’explosion des besoins logistiques et de l’augmentation régulière du prix de l’énergie.

Plutôt que de rechercher le sensationnel en parlant de la fin du travail, il nous faut accepter l’idée de travailler moins longtemps et raisonner à la fois en termes de charge de travail mais aussi en termes de rythme de travail. Parmi ces solutions, la semaine de quatre jours a été une solution masquée par les conflits touchant aux 35 heures et aux problèmes des diminutions de salaires ou d’augmentation des charges craints par les uns ou par les autres. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours défendu l’idée d’une adaptation des formes de rémunération afin de lier le revenu aux résultats et un peu moins aux heures de travail, chaque fois, là encore où cela est possible. Rappelons que le vrai débat de notre époque est celui de l’optimisation de nos ressources tout en faisant en sorte que l’organisation du temps soit adaptée à la vie de chacun, selon son âge, ses besoins de vie, ses capacités physiques et intellectuelles et maintenant du bilan énergétique global. Il était temps que le sujet redevienne d’actualité trente ans après l’instauration des 35 heures. On fait bien des produits à la carte. Il est temps d’inventer le travail à la carte !

[1] Je rappelle qu’en Australie la quasi-totalité des activités et des commerces ferment à 17 heures.

Précédent

Le Canada prêt à sanctuariser ses eaux arctiques ?

Suivant

Le troc de connaissances contribue à la valorisation sociale de l’individu

A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

17 + dix =

Voir aussi

quatorze + 1 =