La lutte contre les narcotrafiquants vient de connaitre un beau succès. Après des années de traque, Interpol et la douane européenne ont réussi à démasquer une des dernières méthodes de blanchiment des plus astucieuses et à arrêter Jonas Raveszac, le dirigeant de la société Batter Japan Inc, une société pratiquant des opérations de compensation (troc) internationales fictives. Le gangster discret, d’origine albanaise, était sans doute l’un des hommes les plus riches du monde. La maitrise des liens complexes qui liait son réseau aux barons de la drogue en Amérique du sud lui avait permis de proposer une solution à un des problèmes les plus difficiles pour ce type de trafic : le blanchiment des immenses liquidités en jeu. Jonas Raveszac prenant un virage stratégique décisif dans les années 2020, est devenu un des plus importants maillons du lessivage d’argent des cartels de la drogue. Voilà pourquoi il était aussi en train de devenir un homme très, très riche, lorsqu’il a été arrêté par Interpol suite à la dénonciation d’un de ses anciens associés.
Jonas Raveszac doté d’un passeport diplomatique ne cessait de voyager pour le compte de ses sociétés « normales » mais dont la plus discrète et la plus juteuse était incontestablement la « Batter Japan inc ». Planquée astucieusement à côté d’Hiroshima, dans l’ile japonaise de Honsh?, cette entreprise de troc international (batter) utilisait une des langues les moins familières aux différents gabelous du monde entier. Ce qui lui facilitait ses activités consistant à blanchir les millions de dollars de la drogue pour les principales centrales mafieuses. L’idée était géniale et très simple à la fois. Afin de blanchir des milliers de liasses de dollars et autres monnaies, Batter Japan Inc simulait d’importantes opérations d’échanges, de trocs entre pays. Par exemple, le Mexique souhaitait se procurer des dizaines de groupes électrogènes fabriqués en Russie mais, faute de liquidités, proposait de les échanger contre des tonnes de phosphates. Les russes ne pouvaient accepter l’affaire sauf à ce qu’un tiers intervienne afin d’assurer le paiement des équipements et la commercialisation du phosphate proposé. Le tiers c’était Batter Japan Inc qui effectuait le paiement en dollars – à partir d’une banque appartenant à des complices, installée opportunément à l’abri en Ossétie du Sud, à la société russe dès la réception des machines chez l’acheteur mexicain. En parallèle, Batter Japan Inc se chargeait de trouver une autre société en Indonésie qui allait acheter le phosphate proposé. Bien sûr, tout ce circuit pouvait n’être que simulé et de machines il n’y avait point, mais des dollars, sûrement, qui quittaient ainsi la clandestinité des circuits de la drogue. Au passage, la société prenait une confortable rémunération pour service rendu. Tout le monde y trouvait son compte. L’affaire prospérait car l’équipe aux manettes restait très prudente et diversifiait autant que possible les relais utilisés. De plus, Batter Japan Inc, menait aussi des transactions normales, ce qui lui assurait une crédibilité indispensable pour ses relations internationales. Lors de son arrestation les policiers anti-narcos ont été sidérés par l’argent et les objets de valeur trouvés dans la maison du trafiquant. Ils suffiraient, nous a-t-on dit, à payer l’assurance-santé de chaque homme, femme et enfant aux États-Unis pendant 12 ans ! Les services anti-drogue estiment qu’il existe environ une trentaine de maisons dans ce genre au Mexique, détentrices de liquidité colossales, de centaines de milliards de dollars en attente d’être recyclés par les banques américaines et européennes et autres astuces comme celle de l’entreprise de compensation internationale de Jonas Raveszac.
De forts soupçons de corruption dans le commerce de compensation. Cette affaire, tout à fait exceptionnelle par son ampleur illustre comment le « barter », peu connu en Europe, est devenu un moyen astucieux pour blanchir de l’argent sale. Il n’a pas échappé non plus au fisc que ce type de compensation créait des problèmes d’un genre nouveau aux autorités gouvernementales. Le « Barter » ou troc interentreprises est une pratique née dans le contexte de la crise de 1929 aux Etats-Unis. Pour se développer des années plus tard suite à une pénurie de devises due aux nombreuses crises économiques en Argentine, Brésil, Russie etc. Ce système s’est progressivement développé avec des résultats contrastés pour connaitre enfin un fort essor dans les années 2030 avec l’émergence de plates-formes d’intermédiation dématérialisées internationales. Voilà pourquoi les transactions sont très surveillées à l’initiative de l’ITIE (L’Initiative de transparence dans les industries extractives), une ONG dont le siège social est à Oslo (Norvège). Cette organisation composée de gouvernements, sociétés, représentants de la société civile, investisseurs et organisations internationales, veut imposer une transparence totale dans les transactions de trocs internationaux. Pour l’ITIE, certains pays ne s’imposent pas la publication de leurs revenus, des gouvernements corrompu ont recours au troc et à la compensation favorable aux manipulations opaques comme a pu le faire la société japonaise de Jonas Raveszac. La spectaculaire découverte des activités de Batter Japan Inc a été l’occasion pour la presse et les entreprises de redécouvrir l’économie de compensation (barter en anglais) qui depuis une décennie au moins est l’objet d’une croissance aussi spectaculaire que discrète car elle a une caractéristique intéressante : c’est un commerce silencieux.
Ce système de paiement par compensation limite la sortie de trésorerie pour l’entreprise qui veut répondre à ses besoins ponctuels comme stratégiques ou réaliser un investissement (matériel, technologique ou en communication…) ; d’autre part, il permet d’optimiser les capacités inexploitées de l’entreprise (stock, collaborateurs) ; le tout en s’ouvrant à de nouveaux partenaires commerciaux. Enfin, il permet à l’entreprise de facturer ses stocks ou prestations et donc de muscler son Chiffre d’affaires. Il a connu un succès croissant ces dernières années avec le développement des plateformes de trocs sur internet. Selon, l’Organisation Mondiale du Commerce, le barter américain représentait en 2012 quelques 15% des échanges internationaux (soit 8,43 milliards de dollars US). Il était surtout très développé dans les pays anglo-saxons. Si les volumes ont crû au rythme de 8 % par an au cours des années 2000/2020 essentiellement du fait du bartering en ligne, L’IRTA (International Reciprocal Trade Association), prévoit pour les prochaines années une augmentation annuelle de 15 %. Au niveau mondial, l’estimation faite indique que l’équivalent de 115 milliard de biens et de services a été échangé l’année dernière. Soit 15% de plus qu’en 2049.
14 novembre 2051 Denys Detter correspondant de Campus Ettighoffer
22 nov. 2014