Durant les années 1980 et 1990, j’ai beaucoup fréquenté les journalistes. Après les exercices imposés, nous papotions volontiers sur les effets des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) sur la presse et la modernisation de leur métier. J’y ai rencontré une profession et des dirigeants vraiment peu armés pour affronter une économie de marché. Une majorité de mes interlocuteurs se désolait du retard pris par leurs patrons respectifs pour adapter leurs politiques aux techniques et aux pratiques qu’ils observaient sur le terrain. La plupart de ces dirigeants ne voyait pas trop l’intérêt d’investir dans la bureautique ou la télématique (comme on l’appelait à l’époque). L’inconscience – et parfois l’arrogance – des patrons de presse vis-à-vis des modes de gestion et de travail en réseaux et de ce qui allait devenir l’économie numérique étaient proprement confondantes. Les responsables informatiques de l’AFP s’arrachaient les cheveux de constater le faible investissement de directions tenues par d’anciens journalistes dans la requalification de leurs organisations. Même si les directeurs de presse n’ont pas été les seuls à ignorer l’importance stratégique que prendrait l’informatique, la presse est sans doute un des secteurs qui aura pris le plus tardivement le virage des NTIC. La plupart des titres, souvent dirigées par des journalistes chevronnés, mal à l’aise avec les technologies émergentes, a gravement sous estimé leur impact sur leur métiers. Ces retards conceptuels, que je compte visiter en détail comme nous allons le voir, touchent de nombreux aspects de leurs métiers ce qui, indépendamment de leurs politiques rédactionnelles, fragilisent leurs titres. Aujourd’hui, ils constatent que la numérisation des industries des contenus va jusqu’à déstabiliser leurs produits de base : l’information. Ils en sont totalement responsables.
La presse classique craint la presse en ligne qui elle-même craint de ne pouvoir survivre. Une majorité de titres traditionnels se porte mal. En France, le nombre de grands quotidiens a diminué des deux tiers depuis la dernière guerre et leurs dirigeants réduisent la couverture des évènements internationaux afin de limiter les frais[1]. La presse en ligne symbolise parfaitement la rupture épistémologique due à la netéconomie. Selon Yochai Benkler, entre 1840 et à 1950, le coût pour lancer un journal est passé d’environ 10 000 dollars à plus de 2 millions de dollars actuels alors que mettre un titre en ligne revient à quelques dizaine de milliers de dollars. C’est dire la rupture stratégique qui se pose à la profession. Le modèle économique et les contraintes de fabrication, d’exploitation, de distribution et même la nature du produit (et des contenus) sont remis en question. Comme aux Etats-Unis, seuls les quotidiens régionaux préservent leurs modèles économiques avec les annonces locales et résistent encore à la presse en ligne. Mais pour les autres, c’est réduction des coûts d’un côté et recherche de ressources financières nouvelles de l’autre. La presse découvre les effets schumpétériens de sa brutale transformation sous la triple influence de la numérisation, de la distribution électronique et de la modification de son modèle économique due à la volatilité de son lectorat. Un lectorat qui s’informe par d’autres canaux que la presse papier. Problème qui l’incitera dans un premier temps à compter de plus en plus sur la publicité. Une dépendance qui ne pouvait que leur poser problème. Dans un journal traditionnel, le prix de revient comprend le coût rédactionnel, le coût de fabrication du journal et celui de la logistique. Les revenus quant à eux comprennent en général le prix de vente ainsi que la publicité et les petites annonces. On peut dire schématiquement que la publicité paie le support papier et le lecteur paie le rédactionnel et, pourrait-on rajouter histoire de se faire des amis, les subventions de l’Etat, la distribution! Avec Internet, les coûts de fabrication et de logistique étant très réduits, la publicité devrait suffire pour équilibrer le coût rédactionnel. D’où cette affirmation abusive selon laquelle sur Internet la « presse est gratuite » parce que la publicité a supporté le tout. Comment croire que l’information est gratuite ?! Quel est le crétin qui peut croire cela ?! C’est l’annonceur qui tient le chéquier. Résultat ? Dans la mesure où le lecteur a moins d’influence sur le modèle économique, le poids de la publicité devient déterminant. Quant à l’annonceur, il fera affaire avec des supports le plus souvent « politiquement correct » et commercialement pertinent. Ce qui, on s’en doute, a une influence sur les politiques éditoriales. En 2007, Edwy Plenel, invité du journal de France3, se voulait le chantre d’un journalisme indépendant des groupes financiers. Curieuse utopie d’un ex-patron de presse alors même que la presse « dépendante » ne s’en sort pas ! Etre affranchi d’un sponsor financier reste un doux rêve : quelqu’un, quelque part doit faire le chèque ! La chaîne de la valeur s’est déplacée, modifiée. Les règles du jeu ne sont plus les mêmes.
Presse Gratuite ou payante deux modèles antagonistes! La taille et les évolutions prévisibles des marchés publicitaires autour desquels se pressent un nombre croissant d’acteurs laissent augurer des temps difficiles pour certains. La presse, qui a cru pouvoir adapter simplement son modèle économique à la presse en ligne, y laisse des plumes. Beaucoup de plumes. On pourrait croire que la presse en ligne porte atteinte aux revenus publicitaires de la presse traditionnelle. Il n’en est rien. En France, avec 73% du total, la presse et la télévision continuent à se tailler la part du lion des investissements publicitaires[2]. Internet avec 6,2% du total ne capte pas une part bien significative des budgets. De plus il s’agit souvent d’opérations de communications promotionnelles de types mailings list. Pas de quoi en faire un plat… Sauf que.. sauf que les entreprises et les média-planneurs constatent que les plan médias qui utilisent internet sont majoritairement plus efficaces que les modèles de diffusions traditionnels[3]. Cela explique, au moins partiellement, que la suppression de la pub TV du service public profite plus à des chaînes thématiques et à la presse en ligne ciblée plutôt qu’à la presse traditionnelle qui couvre néanmoins 36,7% des investissements. Ni la toute relative diminution des recettes publicitaires, ni le développement de quelques gratuits n’expliquent pas la désaffection des lecteurs. Alors, où est le problème ? Il est d’abord dans la contradiction de deux modèles économiques entre ceux des titres, des sites en ligne et des éditeurs qui cherchent des lecteurs payants et ceux qui cherchent des annonceurs. Pas facile à concilier. Curieusement, cela semblait aller de soi dans le modèle traditionnel, à savoir que l’on acceptait de payer un abonnement téléphonique et un abonnement à un magazine quelconque, cela ne marche plus pour l’internaute qui paye un abonnement pour accéder à Internet et aussi … pour son abonnement à de la presse en ligne. Pourquoi devrait-il payer une information chez X qu’il trouvera gratuitement chez Y ? On peut comprendre que l’existence d’un marché du « gratuit » qui ne fonctionne pas selon le modèle payant affecte structurellement les comportements des lecteurs des journaux en ligne. Les revues de presse de Yahoo, Google ou MSM, pour ne citer que les plus connus, modifient profondément les règles du jeu. Les grands groupes de presse essaient bien de s’en défendre en tentant de se constituer – sans grand succès jusqu’à présent – des marchés captifs et en faisant feu de tout bois par l’utilisation du droit de copyright.
La presse traditionnelle subit une déformation de la concurrence face à la presse électronique – Les internautes paient déjà des abonnements qui peuvent être conséquents au transporteur. Les opérateurs en devenant des fournisseurs de services intégrés proposent, en plus d’une connectivité de base, de vastes bibliothèques de contenus attractifs. Une des difficultés à contourner pour la presse en ligne reste celle d’un Internet payé à un opérateur qui fait son blé sur la mise à disposition « gratuite » de contenus issus … de la Presse. L’opérateur ou FAI mène sa barque en alignant sa stratégie sur l’augmentation de ses abonnés. Les opérateurs de services en ligne coupent les jarrets de la presse papier en offrant des contenus gratuits souvent issus du travail rédactionnel des journalistes ou des contenus publics des réseaux sociaux et des blogs. Ils s’arrangent ensuite pour proposer des services complémentaires comme la téléphonie, des services de messageries et des offres spéciales (Comme le cinéma ou les bulletins sportifs mais … pas encore la presse !) qui font grimper l’addition. C’est de bonne guerre puisque les pouvoirs publics ont accepté cette distorsion des concurrences sur les marchés de l’économie numérique. En offrant un agrégat des nouvelles issues des sources et des quotidiens, on peut dire que les grands opérateurs de news en ligne à l’exemple de Google, de Yahoo, de Msn, etc. cassent la chaîne de distribution classique… et les revenus tirés de cette distribution. Dois-je me lamenter pour autant !? Non, car, si nous avons bonne mémoire, ces mêmes quotidiens vont dire partout que la distribution de leurs titres est déficitaire depuis toujours et que l’Etat doit, toutes affaires cessantes, augmenter les subventions de soutien à leur diffusion. Eh bien, la voilà la solution pour diffuser un journal à bon compte. Par les voies numériques… et en plus ce sera écologique ! En contrepartie, les pouvoirs publics doivent s’intéresser à la déformation de la concurrence engendrée par les avancées technologiques entre la presse papier et la presse en ligne. La presse papier s’avère incapable de suivre la presse électronique. Les vitesses relatives de la circulation des informations modifient elles aussi la nature et la composition d’un journal traditionnel. Lorsque on compare le rythme éditorial d’une revue quelconque avec l’agilité des revues de presse en ligne, le handicap de la presse traditionnelle devient terrible, surtout pour les évènements couverts par les autres médias comme la radio et la télévision et maintenant « twitter[4]» ! La presse d’actualité quotidienne prend de plein fouet la capacité des contenus numériques à venir vers le lecteur quasi en temps réel. Un temps privilège des hommes d’affaires ou des élites, l’actualité en temps réel diffuse partout dans le monde grâce à la presse en ligne et à des outils spécialisés. Sur la Toile, nous sommes dans une logique de « produits agiles », alors que les dirigeants de presse cherchent « Le produit » miracle qui remplacera le magazine classique. Il est quand même curieux que les élus aient accepté d’organiser des « tempos » dans le monde de l’audio visuel pour les sorties dans les salles de cinéma, la télévision et les vidéos sans se préoccuper autrement des contenus rédactionnels face à la déformation des concurrences techniques entre la presse traditionnelle et la presse électronique. Existe-t-il une solution qui compenserait ou limiterait ce handicap temporel ? On pourrait imaginer une loi qui interdirait aux gratuits en ligne de sortir les actualités du jour. Différemment, les gratuits en ligne et autres fournisseurs d’agrégats de news piqués dans la presse payante seraient tenus de rémunérer les contenus d’informations issues des équipes rédactionnelles. Ce compromis ou quelque chose d’approchant paraît une des voies pouvant être explorées pour rééquilibrer le rapport de forces entre les protagonistes. Même si le sujet reste complexe, en acceptant d’étudier des règles du jeu qui arbitreraient des modèles économiques actuellement en concurrence, les pouvoirs publics s’imposeraient une réflexion salutaire sur ce qui relève du secteur des biens numériques publics (gratuits) et des biens numériques du secteur privé (payants) sur Internet.
Rendre payant la presse en ligne nécessite de véritables innovations dans les produits proposés – Pour contrer la baisse des revenus publicitaires, on observe un foisonnement de nouvelles publications qui naissent souvent des cendres de titres n’ayant pas su trouver leurs publics. Mais cela ne marche pas compte tenu de la crise. Aux Etats-Unis, certains comme John Kent Cooke en Caroline du Nord, parie sur l’ancrage local et ses ressources d’annonceurs traditionnels. Il a racheté plusieurs petits journaux, considérant que les titres locaux et leurs annonceurs traditionnels étaient ceux qui s’en sortaient le mieux[5]. De son côté, confronté à une baisse comprise entre 14 et 18% de ses revenus publicitaires sur ses sites d’information et une chute de son chiffre d’affaires (perte de 2,36 milliards d’euros) le groupe News Corp. Envisage de rendre payant l’accès à ses contenus en ligne dès l’été prochain[6]. « Le journalisme de qualité n’est pas gratuit« , a déclaré Murdoch en prenant l’exemple de la version électronique du Wall Street Journal dont une grosse partie des articles du site sont payants. De même pour limiter la diminution de ses revenus publicitaires, Libération compte les abonnements payants de ses presque 3 millions de visiteurs uniques par mois. Leurs recherches de nouveaux revenus passent le plus souvent pas un péage que contournent la plupart des internautes faute d’une véritable valeur ajoutée. Les dirigeants de presse semblent n’avoir pas compris que ces contraintes ne sont pas d’ordre conjoncturel mais structurel, qu’elles perdureraient et qu’ils devaient modifier leur stratégie en conséquence. Je ne donne pas cher, en dehors des lettres spécifiques ou confidentielles, des accès payants comme se propose de le faire le Wall Street Journal ou l’Express, avec la mise en place d’un système de micro-paiements. La première conséquence en sera une perte importante de son lectorat d’audience (4,8 millions de visiteurs) utile pour négocier ses contrats publicitaires. Plus encore que l’irruption de l’Internet, le coup de faiblesse des recettes publicitaires va obliger les directions à remettre leurs modèles sur la table et à vraiment s’interroger sur les pistes nouvelles qui leur restent à explorer. Comme quoi, même d’un malheur, il pourra sortir du bon.
On peut comprendre la difficulté rencontrée par les patrons de presse qui tentent de limiter la casse en investissant massivement dans la presse en ligne pour compenser la perte des ventes traditionnelles et préserver leur notoriété, source de revenus publicitaires. L’arrivée d’un compétiteur nouveau a toujours engendré de fortes résistances des gens installés dans le fromage. Comme l’illustre l’ouvrage de Gwenyth L. Jackaway sur les réactions de la presse écrite lors de l’arrivée de la radio. Les plaintes n’ont pas manqué sur la perte supposée des annonceurs afin que les pouvoirs publics soutiennent une presse écrite déjà déconfite. Internet joue ce rôle aujourd’hui et la presse quotidienne ne cesse d’aligner, parfois avec la plus mauvaise foi, ses griefs contre ce nouveau mode de diffusion des nouvelles. On retrouve dans son livre Media at War: Radio’s Challenge to the Newspapers, 1924-1939 (La guerre des médias: la radio défie les journaux, 1924-1939), utilement retrouvé par Jack Shafer, spécialiste des médias de Slate.com,tous les poncifs utilisés aujourd’hui contre le web. Ces intimidations sont monnaie courante. Rappelons-nous du monopole qu’entendait exercer la presse en matière de petite annonces sur le Minitel. Personnellement, je me souviens de pressions subis par une banque régionale de mes clients qui envisageait d’ouvrir un service d’annonces pour son site internet. Projet vite remisé après quelques diners en ville ! S’annonce pour la presse un dur apprentissage qui passe par une bonne maitrise des capacités du WebII et de véritables innovations afin de fidéliser les lecteurs. Malheureusement une majorité ne sait pas encore bien utiliser les fonctionnalités de l’Internet afin de réaliser, non plus une version simplement numérisée de la presse papier, mais un véritable bien numérique multimédia (flash, images, courtes vidéos, fil de news, tags, forums, coopérations avec des bloggeurs et des réseaux sociaux, etc.) pouvant être disponible sur des terminaux fixes ou mobiles. Lors de la montée en puissance du KM et des travaux sur l’intelligence économique, il est vite devenu évident qu’il y avait là de quoi réaliser (comme j’ai pu le faire à plusieurs reprises) des observatoires spécialisés pour des groupes d’intérêts, des particuliers et des entreprises, ce qui aboutit à des « éditions » à la demande. Pour Yan de Kerorguen, cofondateur de Place Publique, le journaliste devient un rédacteur-chercheur-veilleur-expert capable de faire une cartographie utile des expériences, des idées, d’apporter les bonnes adresses ou les connaissances se fabriquent, capable de faire la synthèse de tout ça et de le rendre lisible (ce qu’il ya de plus dur selon lui). Alors, pourquoi pas des revues de presse dédiées à un centre d’intérêt particulier comme je peux le faire sur Google ? Pourquoi pas des dossiers numériques sur clés usb avec des magazines spécialisés? Pourquoi pas un kiosque virtuel commun à plusieurs titres afin de promouvoir des produits dérivés ?
Un déficit de compréhension des inconvénients et des atouts de l’économie du lien. – L’autre difficulté de la presse en ligne est celle de « l’économie du lien ». La presse confrontée aux moteurs d’agrégation du type des news de Google (le plus connu avec celui de Yahoo) se braque inconsidérément contre une application qui pourrait au contraire devenir un atout. La presse traditionnelle en avait une idée lorsqu’elle étudiait le taux de relecture de ses titres, c’est-à-dire la différence entre le nombre des exemplaires vendus et le nombre réel de lecteurs. Dans leur marché des « années papier » ce taux de relecture était plutôt bien vu dans la mesure où il pouvait justifier une meilleure position de négociation avec les annonceurs. Cela a changé avec l’explosion des liens hypertextes. Aujourd’hui, ce taux de relecture et les transferts de liens sont considérés par certains titres comme une véritable calamité que les Titres tentent de bloquer ou de contrer en faisant valoir leurs droits de copyright. Il s’agit d’un usage extrêmement courant sur la plupart des sites, des blogs et surtout chez les « agrégateurs » de contenus comme Google ou Yahoo et autres centres de documentation en ligne. Ce problème fait l’objet de conflits y compris entre titres. Le New York Times est mis en cause pour violation de copyright parce que certains de ses articles affichent des liens vers des publications en ligne de Gatehouse. La question se pose alors du degré de parasitisme acceptable par rapport aux apports originaux du ou des auteurs réels. Le résultat du procès entamé par le groupe GateHouse Media en décembre 2008 contre le New York Times aura, de ce point de vue, valeur d’exemple. Ce durcissement pour le respect du copyright fait l’affaire d’une majorité d’éditeurs qui doivent compter sur les contenus mis en ligne pour engranger du chiffre d’affaires. Afin de contrer le pillage et le piratage de ses news, l’Associated Press met en place des mouchards sur ses dépêches électroniques. Une annonce simplement dissuasive car il reste difficile de contrer le pillage des contenus mis en ligne. De toute façon, je considère que ce n’est pas le bon axe stratégique. Le raidissement des éditeurs me paraît être une belle sottise. Je retrouve là l’impossibilité pour certaines entreprises de faire de l’informatique un atout stratégique[7]. Il est de leurs intérêts de plutôt s’emparer des possibilités stratégiques d’Internet afin de lancer de nouveaux services. Par exemple, pour contrer Google news, l’éditeur Hubert Burda se lance dans la création d’un portail agrégateur de nouvelles. Ce dernier traitera environ 500 sources qui seront exploitées afin de constituer un bouquet d’informations selon des rubriques sélectionnées. L’expérience démarrera en Allemagne. Le portail Nachrichten.de proposera ses propres publicités mais les fournisseurs de contenus seront rémunérés à hauteur de 20% des recettes générées. Par ailleurs les générateurs de contenus seront valorisés par des liens qui inciteront à visiter leurs publications respectives. Une initiative qui montre qu’il reste possible de ne pas rester passif face aux appétits du moteur de recherche. L’économie du lien peut aussi permettre de gagner de l’argent. Par exemple, la presse peut utiliser les techniques de cashback . Cette technique d’affiliation permet, lorsqu’un internaute procède à l’achat d’un service ou d’un produit, de verser une commission au support ou au site qui est à l’origine de la prise de commande. Pour les commerçants c’est une capacité d’atteindre une plus grande quantité d’internautes. Pour le Titre presse affilié c’est l’assurance que ses cartouches publicitaires engendrent du trafic d’affaires.
La Presse française tigre de papier sur son marché européen – La presse française, qui doit faire face à des mastodontes, tente l’Intégration verticale pour les uns ou la construction méthodique de groupes de presse de poids international, pour d’autres. On se moque parfois du Tycoon italien, Sylvio Berlusconi, pourtant ce dernier aura réussit malgré les difficultés à constituer un groupe de presse multimédias bien plus solide que nombre de ses concurrents européens. Une des conditions de la résistance aux évolutions des modèles économiques engendrés par la netéconomie se trouve dans la constitution de groupes de presse multimédias capables de faire des économies d’échelles sur le plan rédactionnel en amont et de jouer sur les ordre de grandeur croissants par la diffusion multivecteurs. Cette stratégie leur permet de préserver un bassin important de lecteurs, ce qui leur offre une notoriété internationale toujours favorable pour les contrats de publicités croisés. Un exercice difficile pour les titres français, et d’autant plus difficile que la législation française ne cesse de mettre des bâtons dans les roues aux Tycoon nationaux. Ce qui est un comble pour un pays qui se targue de soutenir fortement ses industries culturelles. Peut être faut-il en chercher la raison par la crainte de voir la presse hexagonale devenir un peu trop indépendante des aides que l’Etat octroi à ses affiliés. Les limitations légales imposées aux médias français les empêchent de constituer des groupes de presse capables de rivaliser avec leurs confrères anglosaxons. Il est vrai que les publications européennes souffrent d’un handicap particulier du à la multiplicité des langues utilisées. De ce point de vue la presse anglo-saxonne bénéfice d’un avantage dont elle se sert pour marquer des points sur les marchés internationaux. Lorsque je parle de la présence de la presse française à l’étranger, je constate que celle-ci ignore les progrès de la technique des traducteurs automatiques permettant d’être vus et lus dans la plupart des langues. C’est loin d’être parfait, mais cela ne justifie en rien l’immobilisme ! Tout quotidien ou tout magazine national un peu important ne peut faire l’économie d’une présence au moins européenne. Cela implique de conduire une stratégie de groupe de presse disposant d’une multiplicité de produits élaborés par une équipe rédactionnelle pluridisciplinaire et capable de disposer de vecteurs de diffusion complémentaires pouvant couvrir un bassin de notoriété suffisant afin de gagner des budgets pubs conséquents. En d’autres termes cela signifie que la presse aussi doit se prêter au jeu de la coopération, de la « coopétition » ! Je trouve tout à fait symbolique la récente initiative des titres aussi prestigieux que sont El Pais, The Irish Times, Le Monde, The Financial Times, The Economist, Corriere della Sera, Frankfurter Allgemeine Zeitung, ou encore le Washington Post et le New York Times de coopérer afin de constituer le site européen « Presseurop » qui sera disponible en dix langues. Un projet que l’on doit à l’équipe française de Courrier International depuis longtemps habituée à collaborer avec tous ces titres internationaux. Un vent de fraîcheur comparé au dédain avec lequel la plupart des titres accueillent la journée internationale de la presse pour soutenir les tentatives communes de notoriété de la presse française à l’étranger. La vacuité et l’indigence des politiques de pénétration des marchés hors de l’hexagone est un véritable scandale. La perte d’influence de la presse française à l’étranger n’est imputable qu’à elle-même. Résultat, on pleurniche pour défendre une pluralité de la presse qui nous est en réalité plutôt offerte par l’accès à des titres hors de l’hexagone qui, eux, ne demandent rien à l’Etat français. La faible combativité de nos champions nationaux ne mérite pas les efforts que font les pouvoirs publics pour soutenir une pluralité qui n’existe pas sur le papier et encore moins dans les faits[8].
La Presse vit une révolution dans ses modes de diffusion avec l’explosion des terminaux – Comme aux Etats-Unis, la France verra Internet supplanter la presse traditionnelle, la télévision restant le vecteur majeur[9]. Ce qu’il faut retenir c’est la complémentarité des différents modes de diffusion. La presse ne cesse de se chercher des modes de distribution plus efficace tout en restant très visible vis-à-vis des lecteurs potentiels. On a vu le quotidien Le Parisien se vendre dans les boulangeries. Différemment lorsque l’on parle de la presse numérique, ce sont les modes de diffusion électronique qui retiennent notre intérêt. Alors qu’on estime à plusieurs centaines de millions les terminaux disponibles, eux aussi offrent de multiples possibilités. La presse en ligne tente l’utilisation de vecteurs de diffusion originaux. Certains terminaux semblent plus naturellement adaptées que d’autres diffuser des biens numériques de natures parfois différentes. Visionner un ou plusieurs clips d’actualités, d’information professionnelle ou de formation ne nécessite pas forcément un téléphone portable mais plutôt un Netbook ou un ordinateur portable. En d’autres termes, le vecteur du bien numérique doit être adapté à la nature ce dernier. Le messager (technique) compte autant que le message (la nature du contenu numérique)! Les terminaux à partir desquels on pourrait lire la presse sont de plus en plus nombreux. Des millions de consoles de jeux, des millions de Notebook, portables, Iphone ou Ipod sont naturellement calibrés pour recevoir des contenus multimédias de plus en plus variés. Les jeunes générations de l’Internet sont souvent la cible de ces innovations. Au Japon, Dentsu, une des premières agences publicitaires du pays, lance un kiosque de presse en ligne téléchargeable sur portables. Des accords avec plusieurs titres sont en cours qui permettront la centralisation des contenus que les titres sollicités pourront mettre en ligne. Le paiement pourrait être compris dans l’abonnement ou la consommation on demand, la publicité complétant le modèle envisagé.
La Presse, pas très habituée à une concurrence forte sur ses créneaux historiques, doit faire avec des modes de diffusion aux règles pour elle inhabituelles. Il devient quasi impossible de créer des marges suffisantes sur un seul mode de distribution, il convient d’adapter la ligne de produits avec des vecteurs de diffusion selon la cible et le marché mais complémentaires. A partir d’une production souvent diversifiée, la distribution doit adapter ses canaux de diffusion à la spécificité des biens numériques mis en ligne. Les commerçants, les assurances, comme les banques l’ont bien compris qui ont bâti des stratégies multicanaux/multimédias pour atteindre leurs publics. Documents promotionnels, ventes en ligne, émissions de téléachat, ventes en magasins, tous les canaux sont mobilisés pour faire des affaires. Dans le secteur presse, on ne compte plus les partenariats entre radio, télé, presse écrite et presse en ligne. On voit RMC, BFM radio s’enrichir d’une télévision avec BFM TV qui eux même sont associés au groupe Tests et à différents titres de presse comme la Tribune. BFM TV a même passé des accords de diffusion exclusive avec un opérateur de téléphone portable. Les contenus, les évènementiels et les plans médias sont agrégés afin d’obtenir une couverture optimum. Même les réseaux sociaux et les hébergeurs de blogs s’y sont mis. On a vu overblog passer des accords avec videostream et dezzer afin de faciliter les versions multimédias/multicanaux de leurs bloggeurs. Le problème devient de réussir une symbiose harmonieuse des politiques de diffusion. On a pourtant encore l’impression que ces différents modes de distribution/promotion cohabitent dans le secteur de la presse en s’ignorant faute de stratégie globale. Plus que jamais, si les stratégies multivecteurs restent indispensables, encore faut-il savoir sortir du piège des pratiques anciennes.
L’avenir, le journal en ligne à la demande – Le rapport Attali souligne qu’un américain passe plus de temps à lire sur son écran qu’à lire les journaux. Entre 1999 et 2004, la lecture de journaux en ligne aura augmenté de plus de 350 % et le nombre de quotidiens mis en ligne sur la Toile aura doublé. Le phénomène touche déjà l’Asie. En Corée du Sud, l’accès aux news par son portable est usuel. Au Cambodge, à Saigon comme à Hanoï, la presse étrangère a disparu des kiosques pour être éditée à la demande par les grands hôtels et les organisations qui ont pris des abonnements. La presse à la demande multiplie les expériences. De la même façon que les éditeurs en ligne modifient la page d’accueil presse de l’internaute pour l’aligner sur ses centres d’intérêts, on peut s’attendre à la même chose pour l’édition PDF éditée sur papier ou diffusée via des terminaux de types netbook (Portables multimédias et terminaux de type Argos). Ici ce sera moins le journal électronique que l’on achètera que le service «à la carte ». Ce faisant, on s’achemine vers une composition de contenus de la presse en ligne qui n’est pas sans rappeler les « bouquets » de la télévision à la demande. Netvibes, offre ce service de presse personnalisé. Ce « webservice » permet à chaque internaute de se constituer une page d’accueil personnalisable sur laquelle on peut rassembler du contenu et des services Web. Grâce à un système de modules facilement paramétrables, vous pouvez vous créer une page de news pour surveiller depuis un même endroit tout ce qui vous intéresse. La page se constitue à partir de contenus syndiqués avec les flux RSS, mais aussi une multitude de services tels que la météo, les podcasts, les derniers messages reçus ou bien l’accès à vos sources d’information favorites. Cette page est accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté. Il s’agit d’une sorte de portail personnel individuel qui peut être réorganisé pour suivre l’évolution des besoins de l’internaute. Pour financer le modèle, on demande à l’internaute d’attendre les services ou les téléchargements quelques secondes (45 le plus souvent) durant lequel il fera l’objet de présentations de bannières publicitaires en lien avec son lieu de téléchargement et/ou avec le sujet téléchargé. Ce type d’application reste considéré comme du parasitisme par la presse traditionnelle ce qui explique son raidissement vis-à-vis du respect du copyright et de la rémunération des auteurs.
Le durcissement sur la rémunération des droits d’auteur met la presse en corner ! Ce raidissement sur le copyright ne sera pas sans effet sur la commercialisation des contenus. La législation européenne est très protectrice des droits pour les éditeurs qui bloquent cyniquement les projets de numérisation même des œuvres dites « orphelines », à savoir qui n’ont plus d’ayants droits mais dont l’éditeur peut encaisser les droits ! Afin d’empêcher la généralisation des livres numérisés, les éditeurs européens sont tous d’accord pour imposer un accord préalable à toute numérisation. Il reste impossible de passer des accords globaux de cession des droits contrairement à ce qui se fait aux USA, Ce qui revient à passer par des circuits administratifs si coûteux qu’ils verrouillent le contrôle sur les développements du livre numérique. Du coup les auteurs anglosaxons occupent largement le terrain parce que plus libre dans les contrats de cession des droits. Plus de 15 millions de livres auraient été numérisés dont une grande partie grâce à des accords avec des bibliothèques américaines et anglaises, des Universités du Michigan, de Harvard, de Stanford et bien d’autres. Google s’est surtout attaqué à des ouvrages épuisés ou passés au pilon par les éditeurs au grand plaisir des auteurs qui voyaient leurs travaux revivre grâce à leur mise en ligne. Surtout, ils voyaient la possibilité de toucher des droits issus de la publicité et de la répartition des licences négociées alors que les sites de ventes de livres d’occasions comme Amazon ne leur rapportent jamais rien. Google qui utilise les thématiques des ouvrages pour s’assurer des revenus publicitaires contextuels et s’assurer des ventes de services ou de produits numériques dérivés ne me paraît pas gênant. Bien évidement les éditeurs européens (et leurs adversaires américains comme Microsoft/Yahoo et Amazon) tentent de faire croire que Google aurait de fait le monopôle de la numérisation et de la diffusion des ouvrages. Google ne peut avoir le monopole des droits et de la numérisation et les éditeurs le savent, les lois américaines et européennes leurs interdisent. Par ailleurs … rien n’empêche un groupe d’éditeurs français ou européens de faire de même ! Ceux qui crient au loup auraient pu imaginer eux-mêmes cette astucieuse façon de rémunérer leurs investissements et les auteurs qui ne touchent plus de droits depuis bien longtemps[10]. Face à la libre circulation des biens culturels, il faut certainement éviter un monopole concédé à Google mais aussi un blocage de la situation par des éditeurs qui se moquent de l’intérêt général. Pour moi, ce sont les auteurs qui doivent décider. Pour ma part, je souhaite que seuls les auteurs, leurs ayants droits ou des représentants des pouvoirs publics puissent décider de l’avenir de leurs œuvres (et surtout pas les éditeurs qui ne font rien, ou pas grand chose, pour valoriser leurs fonds de commerce sur Internet.) Enfin, tout à leur blocage monomaniaque, ses adversaires ne voient pas que le prochain coup stratégique de Google est dans la préparation en cours d’un terminal qui recevrait préférentiellement ses ebooks numérisés et surtout indexés par lui. Alors que l’attention des gouvernements européens est concentrée sur le (faux) risque de monopole de Google sur la diffusion des œuvres numérisées, on ne prête pas suffisamment attention à ce que la firme américaine ne puisse bloquer les indexations des métadonnées dans ses moteurs de recherches selon sa seule politique de diffusion. Car, faut-il le rappeler, les livres comme la presse devront envisager des modes de diffusion en complète rupture avec l’époque « tout papier ».
Le Terminal léger va devenir le standard de la presse en ligne – La migration croissante des lecteurs vers les écrans donne le ton de ce que sera l’évolution majeure de la presse moderne. Les lecteurs veulent une information proche du temps réel, capable de répondre à des sujets d’actualité ou des thèmes documentaires précis. Selon une étude de Toshiba, on recense environ 300 millions d’écrans en France. Autant de petites lucarnes qui seront le substitut à l’édition papier, qui seront le moyen de diffusion le plus naturel des produits de la presse numérique. Le Terminal léger, sans doute avec écran tactile, sera à même de recevoir des éditions de la presse en ligne à la demande. Il permettra de recevoir des produits multimédia produits par la presse moderne. Il sera offert avec votre abonnement. De la même façon que l’on a vu des opérateurs téléphoniques offrir quasi gratuitement des téléphones portables pour leurs abonnés, des centres de formation en informatique offrir des ordinateurs portables à leurs stagiaires, des éditeurs de presse offriront des terminaux pour ceux des lecteurs qui s’abonneront[11]. Pourquoi pas demain un lecteur d’ebooks offert par BFM ou les Echos ?
Les grandes manœuvres pour s’emparer du marché des terminaux sont lancées. Cela nous rappelle la compétition entre les normes VHS et Betamax pour les cassettes vidéo ou celle des normes de lecture de la haute définition pour les DVD entre HD-DVD/Blue-Ray. On verra un plus grand nombre d’opérateurs traditionnels se rapprocher à la fois des opérateurs mobiles, à l’exemple de l’intérêt porté par Vodaphone à T.Mobile en Grande Bretagne et des équipementiers de terminaux. La tentative ratée d’Orange d’obtenir le monopole de diffusion des Iphone comme y réussira l’opérateur américain AT&T est une autre illustration du déplacement stratégique vers les terminaux de lecture. Celui qui arrivera à placer son lecteur bénéficiera d’un monopole technique. On comprend qu’Amazon soit vent debout contre le projet de Google, il voit bien que son lecteur Kindle pourrait passer à la trappe au bénéfice du lecteur Google Android. Google encore, qui a fait ami-ami avec Sony en lui offrant quelques 500 000 ouvrages numérisés afin d’alimenter sa bibliothèque en ligne pour ses terminaux ebooks. Dans cette bataille, les avocats passent à l’attaque afin de lancer les premières salves d’intimidation déjà échangées entre les protagonistes. Amazon est attaquée sur son lecteur Kindle suite une revendication contradictoire d’un brevet qui aurait été déposé par Discovery Communication. Cela laisse à penser que cette société travaille sur son propre lecteur de livres numériques ce qui reviendrait à concurrencer alors Amazon et Sony sur leur terrain. Amazon qui a lancé la première version de son livre électronique en 2007, propose en 2009 une version améliorée, le Kindle2, plus puissant et plus mince. Il donne accès à une librairie électronique de quelques 230.000 titres téléchargeables sans fil aux Etats-Unis. Le Kindle2 est notamment doté d’une fonction de lecture par voix synthétique. On sait par ailleurs qu’Apple planche sur une tablette multimédia qui pourrait, entre autres, lire des livres électroniques avec, comme idée novatrice, l’application qui fait glisser les pages au fil de la lecture. Pendant qu’Amazon débrouille son litige avec Discovery, Apple doit faire face de son côté à la plainte de la société suisse Monec qui reproche à la firme de Cupertino (Californie) de promouvoir la capacité de l’iPhone à afficher des livres électroniques (ebooks), en violation d’un brevet que Monec aurait déposé en 1999. Apple est accusé de contrefaçon et d’agissements parasitaires. Pour en rajouter une louche, on commence à assister à des échauffourées entre marques qui se soupçonnent de favoriser des échanges entre ebooks ce qui aboutirait à contourner les droits de copyright. Les marchés comme les clients sont en permanence soumis à des opérations de propagandes invitant chacun à prendre partie. Fatiguant. Ce type d’action qui tend à chercher des compensations financières faute de pouvoir réellement percer sur un marché est devenue une pratique courante. Il est souhaitable que les tribunaux d’arbitrage sonnent la fin de la récré en sanctionnant sévèrement ces abus.
Je me demande parfois, face aux faibles innovations de la presse traditionnelle, si leurs patrons s’intéressent à ces péripéties qui sont en train de changer progressivement la physionomie d’une presse française qui se voudrait moderne et qui pourtant n’en finit pas de se ringardiser ! Ce qu’il faut retenir de ce tintamarre, c’est que la presse en ligne et les éditeurs en général semblent avoir des difficultés à interpréter les prochains coups stratégiques de l’édition numérique du XXIème siècle, siècle de l’économie des connaissances. La presse écrite serait-elle « la sidérurgie de ce nouveau siècle » s’interroge encore Yan de Kerorguen ancien rédacteur en chef de La Tribune et co-fondateur de Place Publique. La culture française s’auto marginalise sous l’influence de quelques caciques et éditeurs myopes qui, plutôt que d’ouvrir nos bibliothèques, cherchent encore un modèle économique qui n’existe pas ! Comme le disait en substance Talleyrand. « On meurt plus souvent de sa propre faiblesse que de la force de son adversaire ! ». Il avait raison, hélas !
Alors !? … Ce que pourrait être le journal de demain. – Il est encore en papier. He oui ! Il ne faudra pas enterrer trop vite notre quotidien ou notre magazine préféré. Mais ils auront tous deux changés profondément de physionomie. Les kiosques distribuent de plus en plus sur cartes prépayées différents titres qui font guichet commercial commun. Ensuite, ils se vendent surtout par abonnement. La différence est que l’on aura presque complètement cessé de vous proposer des gadgets souvent inutiles. Ceci au bénéfice d’un ensemble de services en ligne qui complèteront la version papier. Ils ne seront disponibles, pour les plus complets, qu’aux abonnés. Ces services seront multimédias afin de résoudre le conflit temporel entre la presse d’analyse et l’actualité. D’ailleurs, selon une programmation choisi par l’abonné, des applications de type twitter apporteront les dernières nouvelles sur les portables et les écrans utilisés par la famille. D’autres, en s’appuyant sur des moteurs de recherche plus ou moins sophistiqués, s’assureront d’offrir une bonne compilation des sujets qui intéressent le lecteur abonné. Selon la nature de l’abonnement, des études, des vidéos et des images lui assureront un point de presse personnel avec des capacités d’extraits d’archives pour les chercheurs, étudiants ou professionnels souhaitant creuser certains sujets. Bien évidement, une version papier imprimable est disponible à tous moments. Les directions de la Presse devront prendre le parti de n’avoir plus une position dominante dans la fourniture d’information et de multiplier les partenariats de coproduction et de co-diffusion. D’où leur rapprochement incontournable avec des opérateurs et des fournisseurs de terminaux mobiles de type ebooks. Certains titres ont d’ores et déjà pris ce virage à leur plus grand bénéfice sur lesquels ils restent discrets. On les comprend. Les titres les plus audacieux auront pris des accords avec des bloggeurs célèbres afin d’assurer une production d’analyses et d’avis croisés sur les sujets les plus sensibles. Ceux-ci seront mis à la disposition des abonnés et des publics de passage sur leurs sites, car si les abonnés ont le privilège de l’info et de ses analyses en temps réel, l’internaute de passage pourra bénéficier des résumés et des commentaires des bloggeurs. Les bandeaux publicitaires de type « couponing » se multiplieront, la presse touchant en plus des budgets publicité, des rémunérations des affaires faites par leur intermédiaire. D’autres emprunteront aux stratégies des majors en organisant régulièrement des visioconférences (ou callconf) et des tchats avec des responsables ou des célébrités. Certains même n’hésiteront pas à marcher sur les plates-bandes de la télévision en assurant eux-mêmes des productions de contenus audio-visuels. Alors, que reste-t-il pour le journaliste !? L’essentiel ! La capacité à donner du sens aux évènements, à les placer dans un contexte historique ou économique qui échappe à l’auditeur, au téléspectateur ou au lecteur lambda ! C’est ça une presse diversifiée. Les journalistes modernes s’inscrivent dans le mouvement irréversible où ils deviennent des analystes de l’information et des contenus avant que d’être des rédacteurs de nouvelles. Dans « Le syndrome de Chronos[12]» face au « déluge électronique » qui nous assomme, je me souviens avoir écrit : « l’important maintenant n’est pas d’avoir des informations stratégiques, le problème est de savoir si elle est stratégique ». Pour moi, un journalisme de l’époque numérique est celui sur lequel je puis compter pour décoder le monde et ses tourments. Un écosystème nouveau s’ébauche qui aboutit au métissage de la presse traditionnelle et de la presse en ligne. Ne manque à ce scénario que les élus qui vont proposer de réduire les subventions à la presse en contrepartie de l’abandon de la publicité urbaine (et de ces budgets) qui ira de nouveau s’investir dans la presse locale (on peut rêver, non !?).
Denis C. Ettighoffer
[1] Etude Pew Research [2] Chiffres 2007, France Pub Irep. [3] En facilitant la mise en ligne gratuite de productions d’amateurs ou de professionnels soucieux de se faire connaître Youtube a gagné une notoriété internationale qui lui permet de générer des revenus publicitaires associés aux thématiques des vidéos. Lorsque l’on songe que presque 160 millions de personnes ont visionné un ou plusieurs clips pour le seul mois de juin 2009 on comprend la préférence des annonceurs pour Internet qui permet des ciblages plus pointus comparativement à la télévision. [4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Twitter il existe même un site spécial pour les journalistes http://www.journotwit.com/ [5] Martin Zimmerman. Courrier International du 10 septembre 2009 [6] L’Expansion.com – 07/08/2009 [7] Voir « l’Informatique Stratégique » de Claude Wiseman Éditions d’Organisation, Paris, 1987 [8] Les subventions directes ont augmenté de 21% en Suède… et de 71% en France entre 2003 et 2007, selon l’Association mondiale des journaux. En Suède, pays de 9 millions d’habitants ultra-connectés, on compte 449 exemplaires vendus pour 1.000 habitants (8e rang mondial). En France, le chiffre est de 154 exemplaires soit trois fois moins. [9] Aux Etats-Unis, Internet est en train de supplanter la presse écrite selon une étude du Pew Research Center for the People & the Press, un think tank américain qui analyse les comportements vis-à-vis de la presse. Les Américains sondés en décembre pour cette étude déclarent s’informer davantage par le Net (40 %) que par les journaux (35 %). Source : http://people-press.org/ Pew Research Center ( enquête menée du 3 au 7 décembre 2008 auprès de 1489 personnes ) [10] Ce serait aussi une bonne façon de limiter sérieusement la perte des revenus liée à la vente ou aux dons de livres d’occasion qui ne donnent lieu à aucune rémunération. [11] Ce sera sans doute mieux que tous les misérables gadgets qu’ils proposent à l’occasion de leurs campagnes d’abonnements ! [12] Editions Dunod, Collection Eurotechnopolis, janvier 1998
« Amazon lance son Kindle à l’assaut de la planète » titre le Monde du 17 octobre 2009. Voir http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/10/17/amazon-lance-son-kindle-a-l-assaut-de-la-planete_1255200_651865.html
Amazon met en vente aujourd’hui son lecteur électronique, Kindle, tandis que d’autres acteurs cherchent à se positionner sur le marché de la distribution de livres électroniques. Car au-delà de l’objet lui-même, l’évolution des modèles de distribution dans d’autres secteurs culturels – musique ou vidéo – montre que les canaux de distribution sont une arme clé du contrôle des marchés. http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/10/19/google-et-amazon-veulent-tous-deux-creer-itunes-du-livre_1255643_651865.html#ens_id=561616
Bonjour,
Merci beaucoup pour cette article qui donne une vision large mais claire de ce qui se passe aujourd’hui dans la presse.
Je retrouve des similitudes d’analyse avec Alain Joannes (http://www.journalistiques.fr/) et surtout sur le pillage de la presse par la radio et la télévision avant internet(http://www.journalistiques.fr/post/2009/01/01/Un-journalisme-suicidaire).
Vous décrivez très bien le manque d’innovation d’un monde clos, qui plutôt que de comprendre, se braque dans un dernier sursaut de fierté. Il est difficile d’être « liquide » du jour au lendemain.
Je suis d’accord avec vous sur la multiplicité des canaux de distribution des contenus. La numérisation des contenus a permis de les séparer de leur support et ainsi de pouvoir les mélanger… d’où l’ouverture de tous les possibles! Et de toutes les peurs.
Et enfin merci pour le changement de point de vue sur le danger de Google, puisque aujourd’hui le problème n’est pas de mettre à disposition un contenu (cela n’a jamais été aussi simple), mais de faire en sorte qu’il soit lu/vu/entendu (économie de l’attention), et cela commence par pouvoir le trouver.
Je pense qu’aujourd’hui la force est encore du coté des distributeurs (qui amènent le contenu jusqu’à une personne : la télévision canal historique, Amazon, Carrefour, Orange, Apple, …), ce qui peut paraitre paradoxal, puisqu’il est simple de distribuer. Mais cette simplicité a entrainé l’infinité de contenus disponibles, et l’immense difficulté pour un contenu accessible d’être accédé.
Demain, le pouvoir sera du coté des promoteurs (dans le sens de ceux qui font la promotion / rendent visible). Mais, du fait des habitudes de consommation, cette force de promotion est encore chez les distributeurs. Pour reprendre le pouvoir, il faut que les producteurs de contenu trouvent un moyen, un modèle pour être maitres de cette promotion et récolter la part du gateau qui leur revient. Un beau chantier en perspective.
Frédéric Abella