L’histoire de Kenneth Rippoll n’est pas banale. Elle pourrait le devenir. Ce salarié attaque son employeur pour « vol de patrimoine immatériel ». Une première. En 2017, Kenneth Rippoll est devenu chef de produit chez Dragons’s Games, la célèbre firme de serious games installée à Boston.  Son métier, très mobile, justifiait que son employeur ait mis à sa disposition un micro-ordinateur portable associé à toute une panoplie de fonctionnalités techniques qui lui étaient spécifiquement dédiées. Dragons’s Games utilisait le « Cloud Computing » pour mettre de l’énergie informatique à sa disposition pour ses actes de gestion des plus simples aux plus compliqués. Kenneth disposait d’un portable de travail léger facilitant sa mobilité, détenant les droits d’accès à ses bases d’informations et à des fonctions élaborées compte tenu de son niveau hiérarchique. Il disposait en outre des permissions d’accès aux réseaux utilisés par ses différents collaborateurs. En fonction de son profil Kenneth Rippoll,  pouvait accéder aux services en ligne nécessaires à son statut, aux contenus utiles à son activité, aux outils d’e.collaboration indispensables au suivi des projets dont il avait la responsabilité. Le système du Cloud de l’entreprise reconnaissant chaque utilisateur s’ouvrait sur sa page d’accueil personnalisée avec les droits d’accès fonctionnels qui lui étaient autorisés.  Kenneth Rippoll disposait ainsi d’un espace virtuel de travail mis à disposition pour ses collaborateurs et, parfois, des partenaires de l’entreprise. Tout cela composait une logistique que l’on pourrait comparer à celle d’un bureau traditionnel et les prestations associées (organisation de voyages, comités divers, banque, secrétariat, vidéoconférences, portail métier, visioréunion, etc.)… à cette précision près que la grande partie de cette logistique était accessible en ligne par Kenneth grâce à son micro-ordinateur portable via des protocoles protégés. Mais voilà, Kenneth est tombé en disgrâce. Après douze ans de collaboration, on lui reprit son portable et on lui a coupé l’accès au Cloud Computing de sa firme. Du jour au lendemain, Kenneth Rippoll, dont toutes les activités dépendaient du réseau de son entreprise, a été viré. Il a pu à peine récupérer la photo de sa famille mais rien de tous les documents, la mémoire et les savoir-faire qu’ils avaient compilés dans les serveurs de Dragons’s Games.

Les lecteurs qui s’intéressent aux films de science-fiction ont pu visionner un jour ou l’autre l’histoire d’un individu confronté à la disparition de ses droits numériques. Sa carte bleue devenait inopérante. Ses numéros de téléphones disparaissaient. Son identité auprès des organismes les plus divers était altérée ou effacée. C’est exactement ce qui s’est passé avec Kenneth. Sans son portable et les accès dont il disposait, il a été « coupé » de sa communauté professionnelle, comme il l’a été de son entreprise. Kenneth Rippoll a découvert avec horreur que la rupture de son contrat de travail n’était pas seulement fonctionnelle (on lui coupait l’énergie informatique), mais aussi relationnelle (on le coupait aussi de sa communauté professionnelle et de la mémoire de ses activités et de ses relations). Du jour au lendemain, il n’existait plus dans la communauté où il s’était affirmé durant ces dernières années. Ce jour là, Kenneth Rippoll a compris que l’idée qu’un réseau de « Bureaux virtuels » dans un cloud n’était qu’un réseau informatique de plus était une grave erreur d’appréciation. Durant des années, lui et ses collaborateurs élargissaient l’usage du réseau mis à leur disposition à leurs échanges non seulement avec leurs collègues mais aussi avec des collaborateurs d’autres entreprises, des professionnels les plus divers, des enseignants, des chercheurs. A partir de là, comme le réseau est par nature ouvert, ils multipliaient leurs transactions bien au delà de la sphère professionnelle, avec leurs amis, leurs fournisseurs, leur famille. Ils y allaient se distraire autant que s’informer. Ils y coordonnaient autant leurs problèmes personnels que professionnels (à 50% selon une enquête récente). Ils y procédaient à des achats autant pour leur entreprise que pour eux. Tout cela, de plus en plus de salariés, de télétravailleurs, le font au travers et grâce à leur poste de travail. En devenant complètement dépendant du Cloud Computing de son entreprise, Kenneth Rippoll a compris trop tard qu’il n’était pas uniquement membre du réseau de l’entreprise mais aussi d’une communauté relationnelle qui représentait pour lui un patrimoine précieux constitué durant les douze ans de travail chez Dragons ‘s Games. Patrimoine qui lui avait été brutalement arraché. Voilà pourquoi Kenneth a décidé de confier son affaire à un cabinet spécialisé dans le droit immatériel afin de pouvoir récupérer ses accès à son patrimoine personnel installé dans le Cloud Computing de son ex employeur. Une première…jusqu’à quand !?

 

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A propos de l'auteur

Denis

Denis Ettighoffer, fana de science-fiction, auteur de « L’entreprise virtuelle », le livre qui l’a fait connaître en 1992 est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). Ses contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels sont nombreuses. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Son parcours atypique aura forgé chez lui une pensée singulière. Son dernier livre, « Netbrain, planète numérique, les batailles des Nations savantes » (Dunod) a reçu le prix du livre du Club de l’Economie Numérique en 2008. Denis Ettighoffer un temps Membre correspondant de l’Académie de l’Intelligence économique collabore désormais avec l’équipe d’IDEFFIE (Développement de l’expertise française et francophone à l’international et en Europe ) .

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