L’histoire a toujours donné un avantage concurrentiel aux entreprises comme aux nations qui savaient s’organiser en fonction de leur époque. Chaque époque secrète un modèle d’organisation économique qui lui est propre, lié à un contexte technologique, historique et culturel. Celui qui a dominé le 21ème siècle jusqu’aux années 70/80 a été symbolisé par le modèle Taylorien ou Fordiste (découpage optimum des tâches de production), suivi par le modèle japonais Shingo (le juste à temps) qui nous entraînait déjà dans la systémique spécifique aux co-entreprises. Lorsque les Japonais enfoncèrent le marché américain face au trois grands de l’industrie US qu’étaient Général Motors, Ford et Chrysler, ce sont leurs organisations de la fabrication (juste-à- temps, autonomie et flexibilité des tâches) qui firent la différence . Depuis, le Japon est passé, selon l’Institut International du Management, de la 2éme place à la 9ème place mondiale en terme de compétitivité globale entre 1993 et 1997. La cause en est imputable aux problèmes posés par le mode d’organisation des structures de type keiretsu (conglomérats). L’avantage de telles structures, très horizontales, décentralisées masquait en réalité un manque de flexibilité financière et de la structure de leur portefeuille d’activités. Les dirigeants japonais n’avaient pas comme les groupes étrangers la possibilité de se diviser ou au contraire celle de fusionner, de modifier le périmètre de leur portefeuille d’activités en créant de nouveaux métiers. En d’autres termes, ils manquaient de plasticité, de capacité combinatoire pour optimiser l’utilisation de leurs ressources, de leurs capitaux immatériels. Une loi les libèrera, fin 1999, en leur donnant les mêmes possibilités que les sociétés occidentales. A leur tour, les Japonais vont vivre « le big bang » de leurs organisations.
Faute d’avoir compris l’importance d’imaginer une nouvelle organisation de leur entreprise certaines sociétés parties rapidement dans la Netéconomie ont été surprises par l’évolution rapide des modèles économiques à partir desquels elles s’étaient lancées. Longtemps négligée, l’organisation était supposée pouvoir suivre les différents régimes de vol imposé à la structure. Les directions générales se mobilisent sur les scénarios stratégiques couplés avec les évolutions du marché en négligeant leurs conséquences sur l’organisation interne alors que les modèles économiques du XXIè siècle la remettent en question. L’intendance suivra ! Erreur ! Les loupés du commerce électronique dus à des faiblesses logistiques ne se comptent plus. Si les NTIC peuvent donner un avantage compétitif aux entreprises, elles ne peuvent le faire à elles seules. Elles doivent servir un dessein stratégique qui tient compte d’un bouleversement complet du fonctionnement de l’ensemble des organisations au siècle des réseaux électroniques.
Le développement des co-entreprises « plug and play », flexibles et agiles, capables de s’interconnecter à la demande et qui chassent en meute sur les marchés nationaux et internationaux devrait donner du fil à retordre aux tenants de l’entreprise traditionnelle. Une technologie peut faire évoluer une organisation, mais contrairement à la thèse de Clausewitz, qui affirme que le défenseur est favorisé parce qu’il se bat sur son terrain, c’est l’attaquant – celui qui prend l’initiative – qui prend souvent le dessus. Il est déjà quasi certain de déstabiliser son adversaire en modifiant les règles de la concurrence. Si la maîtrise technologique reste indispensable, dans bien des cas, la perte d’une position stratégique par manque d’innovation organisationnelle est bien plus grave. Aussi, aujourd’hui, chaque chef d’entreprise doit se poser cette question : “Sommes-nous prêt à la compétition par les modèles organisationnels ?! »
Pour en savoir plus https://www.ettighoffer.fr/546/met-organisations-2000