Marie-Joëlle Gros, Libération, 18 octobre 1999
A la recherche d’un revenu d’appoint ou plus, des particuliers vendent produits et services en ligne. Reste à attirer les clients. Ils sont éleveurs de perroquets, loueurs de cassettes vidéo, bouquinistes ou photographes, entre autres. Jusque là, rien de particulier. A cette nuance près qu’ils proposent leurs produits ou services sur l’Internet. Ils expérimentent le commerce électronique à leur manière. Certains envisagent d’en vivre, d’autres en attendent un simple complément de revenu. Comme le souligne Denis Ettighoffer, auteur de eBusinessGeneration (1), ces candidats à la pluri-activité peuvent trouver dans l’Internet une opportunité nouvelle. Que le temps libéré par les 35 heures encouragera peut-être.
L’évangéliste de la Net-économie s’est lancé dans une enquête (plus qualitative que quantitative) sur l’identité de ces nouveaux entrepreneurs. Il apparaît que les cyberentrepreneurs, loin d’être de jeunes génies de l’informatique, sont souvent des quadras. Une grosse moitié est diplômée de l’enseignement supérieur et 45% travaillent en famille. Ces aventuriers du commerce électronique tâtonnent. Seuls 30% d’entre eux ont passé des accords avec d’autres sites pour se faire connaître, 21% font appel à des transporteurs, et seulement 27% proposent des règlements sécurisés. Le plus difficile pour eux n’est pas de créer un site web, mais de savoir attirer le chaland.
Évidemment, avoir une belle vitrine ouverte sur le monde entier ne sert à rien si personne ne passe devant. Et le service doit suivre : prise de commande, paiement, livraison. Les opérateurs sont dans les starting-blocks. Depuis le début de l’année, France-Télécom Hébergement propose notamment la location de boutiques virtuelles prêtes à l’emploi. On les personnalise au logo de son entreprise, on y présente ses produits et le bon de commande qui va avec. Même sans le degré de logistique des grandes pointures de la VPC, les entrepreneurs en ligne rencontrent parfois le succès. Certains se font connaître sur les forums de discussions, testent l’intérêt des internautes pour leurs produits et essaient de les convertir en consommateurs. Mais atteindre un volume de vente permettant de vivre de son commerce électronique est une belle paire de manches. Marc Refabert en sait quelque chose. Il a crée en mai 1997 fromages.com avec quatre copains qui ont investi 500 000F dans son idée : livrer des plateaux de fromage comme on livrerait un bouquet de fleurs. « On ne fait pas que de la vente, précise Marc Refabert, on propose aussi de l’info sur les fromages en plusieurs langues et c’est ce qui plaît. » Comme il a été l’un des premiers à se lancer dans ce commerce d’un genre nouveau, on a beaucoup parlé de lui (Libération du 17/10/97). Du coup, au bout de deux années, Fromages.com réalise près d’1 million de chiffre d’affaires (dont plus de 90% à l’export) et salarie deux personnes. « L’Internet n’est pas un Eldorado, tempère le vendeur de fromages. Si je devais recommencer aujourd’hui, il me faudrait beaucoup plus de 500 000F, pour la publicité, les partenariats, etc. » Sans compter qu’il a fallu du temps pour que l’activité décolle. Aujourd’hui son site enregistre en moyenne 120 commandes par mois, mais plafonnait à 2 par mois la première année. Surtout, loin d’être une activité d’appoint, Fromages.com occupe son créateur à plein temps, et, précise le cybercommerçant, il ne s’est « toujours pas enrichi ». (1) : « e-Business Generation, les micro-entreprises gagnent de l’argent sur Internet », Denis Ettighoffer, Editions Village Mondial, 1999